Recherche ardente d’inspiration que je ne parviens pas à trouver dans l’enceinte de l’établissement ni dans ces alentours, je me suis donc décidé à me promener dans la forêt. La nature a toujours eu d'énormes bienfaits sur mon être, on se laisse facilement emporter par les multiples inspirations que celle-ci peut murmurer. Le pas léger, je me laisse guider sans savoir où sera ma destination. Une artiste se laisse attirer et ne réfléchit jamais à son point d'atterrissage. C’est un art que j’ai pu partager avec Klaus fut un temps, la seule chose qui avait su nous rapprocher malgré sa méfiance constante. S’il y a bien une chose que j’ai su peaufiner avec le temps, c’est bien ça. La méfiance qui rend la prudence encore plus importante pour ne pas se laisser emporter par une confiance trop excessive qui, dans mon humanité, m'a porté souvent défaut.

Le soleil traverse les branches des arbres, mais je n’arrive toujours pas à me décider de l’endroit où je pourrais me poser pour dessiner un peu. En fait, c’est la nostalgie qui se dessine dans mon esprit alors, que l’un après l’autre, mes pas se font m’éloignant un peu plus du passé qui est le mien. Bien que mon esprit puisse se souvenir comme si c’était hier du visage des miens. Heureusement, la folie ne m’a pas pris comme celui qui m’a créé et parfois, je sens bien que par moment, je me laisse un peu trop emporter par l’amour de la beauté, fière comme un paon de mes créations sommeillant dans les musées et qui n’ont aucun prix.

- Je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un ici... Ca peut être dangereux.

Je m’arrête me rendant compte que mon esprit, trop occupé, ne m’a pas permis de remarquer la présence de cette jeune femme. Sa phrase fait naître immédiatement un instinct de méfiance. C’est étrange de dire une telle chose même si aucune menace ne ressortait de sa voix. << C’est un parcours de santé, il faut s’attendre à croiser des gens. >> Fis-je tout simplement alors que je la regarde simplement << Mais si cela peut être dangereux pour moi, cela peut l’être également pour vous. >> Après tout, pourquoi devrais-je être la seule dans le pétrin ?

Pourquoi n’arrivais-je pas à mettre un mot sur le sentiment qui m’assaille en cet instant ? Sans doute parce que je vis déjà dans une méfiance constante et que je voulais faire comme les jeunes femmes de cette époque. Ne pas me laisser berner par la crainte qui peut naître en chacun de nous. J’avais dépassé ce stade depuis si longtemps après avoir connu l’infamie avec le vampire qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Un être qui ne connaît aucunement la date de sa propre fin. On arpente le monde à la recherche de savoir, de vérité, de sensation pour agrémenter notre immortalité ou bien toujours plus de pouvoir.

Le pouvoir, voilà bien une maladie en toutes races que j’ai pu croiser. Les Mikaelson n’en étaient pas exempts, bien au contraire. Cependant, j’ai pu trouver en Elijah un berceau d’apaisement et de douceur, mais si ce n’était qu’éphémère au vu de notre existence à lui comme à moi.

En me promenant ici, je n’ai pas pu m’empêcher à ces moments où lui et moi, nous nous baladions en discutant de tout et de rien. Je me souviens même de ces mises en garde face à ma mère. J’aurais dû l’écouter, même Klaus. Mais j’avais tellement ce besoin de découvrir mon identité, de connaître la vérité qu’ils n’ont pas pu me détourner de mon but initial. Me voilà à présent bien déçu, mais le regret ne sera pas présent. Ce qui est déjà un plus non-négligeable. La seule chose que je devrais gérer à présent, c’est ma déception qui est aussi vive qu’un feu qu’on ne cesse de nourrir.

Alors, oui, sans doute, suis-je en faute en me baladant l’esprit ailleurs en ne faisant guère attention au danger. J’ai l’impression d’être prise en faute et pourtant, cette époque ne pousse plus à être constamment en garde, surtout en journée. Contrairement à mon époque où nous devions faire constamment attention. Moi-même, j’avais toujours un ou deux gardes pour m’accompagner dans mes déplacements.

- C'est vrai, mais même sur ce genre de chemin je croise rarement de jeunes filles seules. Il faut croire que quelque chose les tient éloignées.

J’arque un sourcil en l’observant. C’est presque une mise en garde ou bien une menace déguisée de la part de cette jeune femme. Mon instinct me dit qu’elle n’est pas mortelle. Pourquoi ? Simplement parce qu’une humaine n’aurait pas ce genre de propos en parlant à une personne qu’elle aborde. J’ai vécu suffisamment de temps auprès de la population mortelle pour me faire une idée sur l’évolution de leur comportement et leur façon de parler. << Ou bien les mettent en sécurité. Les gardes forestiers font très bien leur travail. >> Des allées et retours constants de ces hommes et ces femmes pour vérifier qu’il n’y a pas de problème. Ce chemin de santé est souvent emprunté donc surveillé. << Vous n’avez donc pas à vous en faire pour la sécurité. >> Autant jouer les ingénues, je veux savoir ce qu’il en est. Je finis par aller m’installer sur un banc posé là et j’y dépose mes affaires. Carnet ouvert, je sors mon fusain. J’ai envie d’exploiter cet outil aujourd’hui et puis, c’est tellement plus simple à transporter que le chevalet et les peintures. Ma mémoire eidétique me permettra de dessiner cet endroit si l’envie d’utiliser de la peinture se fait sentir. << Simple balade de santé pour vous ou bien l’envie de vous éloigner de la ville ? >> Une manière comme une autre de commencer une conversation. J’espère qu’à travers les non-dits, je pourrais en savoir plus.

La nature a quelque chose de réconfortant et de maternelle. Celle-ci me donne la possibilité de revenir à un temps où tout me paraissait simple. Bien avant que l’envie de connaître mes véritables origines ne tiraille mon être. Là où l’innocence et la naïveté m’étaient encore permis. Aujourd’hui, je vois les choses d’un autre œil. Un œil plus profond et où il me semblait que je pouvais deviner le moi réel de ces gens que je rencontrais à mesure que leurs paroles glissaient sur leur lèvre. Observatrice depuis toujours, j’ai toujours pensé que ce bouclier me permettait de me protéger contre les êtres aux intentions malsaines. J’ai été surprise dans mon existence, prise de court au mal intense qui pouvait couler dans les veines de certains. Et je me laisse encore surprendre aujourd’hui, parce que ce monde porte des nouveautés depuis que le Malivor s’est montré. Qu’en dirait Klaus et Elijah s’ils étaient encore de ce monde ? Sans doute qu’ils auraient tout fait pour anéantir cette chose.

- Mais certaines arrivent quand même à passer, sinon nous ne serions pas là.

<< Ces sentiers ne sont pas interdits au public, ils restent praticables. >> Les autres, il y aurait des pancartes. Simplement, que certains lieux sont plus à même de plaire à des personnes habituées à des randonnées où l’on doit un peu plus donner de soi-même. Plus long et légèrement plus ardu, mais pas dangereux.

Sur mon banc, j’observe les verdures devant moi et je me plais à dessiner ce grand chêne dans les moindres détails. Je peux presque entendre l’histoire que cet arbre me raconte et qui doit, cependant, être plus jeune que moi. Sans doute, suis-je déjà passé ici fut un temps, mais je ne m’en souviens pas.

- J'avais besoin d'air frais. J'ai toujours aimé les bois pour ce qu'ils offrent. Aujourd'hui, les villes sont... Trop grandes, trop polluées. Je préfère la nature.

<< Trop bruyante aussi. L’évolution, c’est bien, mais les hommes se sont parfois entêtés à aller trop loin. Heureusement que la nature est là pour nous ressourcer. >> J’ai moi-même grandi dans un petit village sans grande prétention. Calme et paisible où je pouvais voir la mer par la fenêtre de ma chambre. Quand je me suis mariée, j’ai suivi mon époux, mais soucieux de mon bien être, il a fait en sorte que le balcon de notre chambre donne sur le jardin. Jardin qui donnait vers l’horizon où je pouvais voir la mer et deviner le port de la ville. << Pourriez-vous vous mettre devant le chêne ? J’aimerais vous dessiner. Je trouve que vous avez des traits vraiment très beaux. Très inspirant pour moi, je devrais dire. >>

- Oui, bien sûr. C'est une question de bon sens. Mais, après tout, la vie est dangereuse, il s'agit de flirter ou non avec ce danger.

De ce que j’ai pu observer à travers mon existence, c’est que l’envie de flirter avec le danger reste quelque chose d’attirant pour les êtres. Qu’importe sa nature, l’inconnu attire plus que le quotidien qui peut être parfois bien monotone pour un être qui se lasse et a besoin de renouveau à chaque fois qu’il se lève. Cependant, la monotonie peut aussi manquer quand l’inconnu devient par trop dangereux. J’observe cette jeune femme et lentement, j’ai cette impression qui s’insinue en moi. En tant qu’artiste, j’observe le monde, comme mes pairs. Et à force d’observer, nous obtenons une sorte de troisième œil pour nous faire contempler l’invisible. Disons que c’est une prédisposition que nous obtenons au fur et à mesure du temps qui passe. C’est une chose qui m’a rapproché de mon époux, mais aussi d’Elijah. Un sourire se dessine en me souvenant de ces deux visages qui ont eu un impact conséquent dans ma vie. Si j’ai vraiment aimé, ce sont ces deux fois-là.

<< Flirter ou non avec le danger, c’est une question universelle que tout le monde se pose au moins une fois dans sa vie. >>

J’ignore ce que cette jeune femme cache, mais j’ai l’impression que celle-ci n’est pas ce qu’elle semble être. Je sens que le danger est une extension de sa personne tout comme moi je peux l’être quand le sang coule. Les œillères m’aveuglent alors et je ne réponds plus de rien. Tout ce que j’ai pu haïr chez mon créateur ressort à la première goutte.

- L'humanité a toujours été envahissante. Et visiblement ces derniers temps c'est pire. Détruire de merveilleux paysages pour y bâtir des routes, des bâtiments…

<< À force de détruire, l’écosystème s’en retrouve bouleversé. >> La faune que j’ai pu connaître autrefois, disparaît. Une partie de la ville a tellement grandi que je peine à retrouver les rues que j’ai pu emprunter. L’évolution peut être magnifique, mais pas quand la destruction est constante au point de perdre ce qui fait la beauté d’un lieu. Beauté que j’aime reproduire sous les derniers souvenirs qu’il me reste.

Je regarde mon interlocutrice qui prend place devant le chêne. Souriant doucement, je vais pouvoir dessiner ce que je vois d’elle, même si cela ne sera peut-être pas tout à fait juste. Ce sera une représentation de son moi intérieur. J’aime montrer dans mon art ce qui est caché. En tout cas, cela a assez touché pour que mes œuvres soient, au fil des siècles, dans les musées.

- Comme ça ? Je n'ai pas l'habitude de servir de modèle.

<< Restez naturelle surtout. >> Le bloc de dessin sur moi, je regarde mon matériel hésitant entre un crayon et le fusain. C’est le second qui a ma préférence. Doucement, je commence donc le dessin de la jeune femme. << Vous êtes parfaite. Ne bougez pas trop… >> Je souris. << Je ne vous empêche pas de respirer non plus. >> Je ris ancrant mon regard dans le sien par moment. << J’ai l’impression que vous ne venez pas d’ici. si le bruit de la ville ne vous plaît pas, j’opterais pour la campagne. C’est ça ? Personnellement, je viens d’un village de campagne où l’on pouvait voir la mer se mélanger aux cieux. >> Un village qui n’est plus qu’un souvenir dans ma mémoire et qui a bien grandi aujourd’hui. Tout du moins, quand je l’ai quitté ce n’était qu’un port bien modeste où la nature nous entourait. Aujourd’hui, cet endroit a pris des allures bien plus importantes écrasant la campagne, mais toujours aussi sublime.

Si l’on tend bien l’oreille, on finit toujours par traduire les paroles cachées. Et au cours de ma vie, j’ai eu largement de l’entraînement pour pouvoir deviner ce que l’on ne dit pas. Si je ne parviens pas à quelque chose de précis, je peux au moins le ressentir. C’est pour cela qu’Elijah avait toujours eu du mal à me cacher quelque chose ainsi que pour Klaus. J’étais loin d’être bête et si je n’avais pas l’esprit que j’avais, jamais je n’aurais attiré l’attention de mon époux. Quand j’observe cette jeune femme, une chose me vient en tête. C’est qu’elle n’est pas ce qu’elle paraît être. Je ne peux pas focaliser mon esprit sur une réponse précise, mais je le sens au fond de moi.

- Mais il faut bien évidemment savoir se retirer à un moment donné. Du moins, si on n'a pas de désir de mort.

Encore un point pour moi. Quel humain parlerait de la sorte ? Pas un jeune en tout cas. Une vieille personne lassée de la vie certainement, une créature ou un vampire oui. Sans doute les loups-garous. Mais rares sont les humains à s’exprimer de la sorte, à moins d’avoir vécu le pire.

- C'est malheureux tout de même. Mais bon, je n'attends plus rien des êtres humains.

Encore une preuve que mon intuition n’a pas perdu de sa superbe. J’esquisse un sourire en préparant mon matériel, mais je me dis aussi que je dois faire acte de prudence. << C’est étrange, on dirait que vous avez vécu le pire avec le genre humain à vous entendre parler. >> Ne pouvais-je m’empêcher de dire. << Je suppose que même les plus jeunes d’entre nous, sont lassés par le comportement des hommes face à leurs pairs ou à la nature… Et encore, il y a tant de sujets qui manque d’intérêt de leur part. Il y a tant de belles causes par le monde que la plupart ne se souci que des commérages ou de leur propre personne. >> Se préoccuper que de soi n’est pas un mal, ni une critique de ma part, au contraire c’est essentiel. Cependant, il faut savoir doser parce que le monde mérite qu’on fasse attention à lui.

À présent devant l’arbre, je commence à dessiner tout doucement levant par moment le regard vers elle pour ancrer l’image que je vois et que je veux reproduire tel qu’il me vient à l’esprit.

- C'est presque ça. Ici je vis dans une petite maison à l'orée de la forêt. Mais sinon je viens de Grèce, bien que cela fasse... Bien trop longtemps que je n'y suis pas allée.

De Grèce ? Voilà qui est intéressant, je peux utiliser cette information pour donner un effet plus juste à mon dessein qui me menait étrangement déjà vers cette idée. << La Grèce est un pays magnifique, j’ai eu la chance d’y aller. >> Fis-je en le regardant souriant doucement. << Mais je sais ce que c’est que de se sentir comme… En manque… L’Italie me manque. >> Y retourner, c’est encore plus me dire que les miens ne sont plus de ce monde. Même si cela fait fort longtemps, la douleur en est parfois toujours aussi forte.

- Pourquoi je vous inspire ?

<< L’inspiration est un terme qui désigne bien des choses et qui sont différentes pour chaque artiste. Cela serait comme demander pourquoi je respire. Généralement, pour ma part, quand je ressens quelque chose, je dois le reproduire… Il y a beaucoup de mystère autour de vous… Votre regard, lui, me dit que vous êtes perdu, mais aussi en colère. Que vous aimez défier un peu comme une guerrière qui n’est jamais rassasiée de combat. C’est fascinant et inspirant. >>

- Vous n'avez pas idée.

Mon regard se plonge dans celui de la jeune femme qui me fait face. En avais-je une idée ? Oh que oui, je sais à quel point le genre humain peut être mauvais avec ceux qui sont différents d’eux. Surtout à cause de la peur que cela engendre. J’ai passé une partie de mon existence humaine à cacher le fait que j’étais une sorcière. Si je fus accepté par mes parents et mes frères adoptifs autant que mon époux. Les autres ignoraient ce dont j’étais capable. Et soyons sérieux, je n’étais pas capable de grand chose à l’époque. La théorie m’était facile d’apprentissage, mais la pratique était un domaine qui m’échappait totalement parce que je n’avais personne pour me guider. J’avais été abandonné à mon sort dans tous les sens du terme.

Mais si je sais que les humains sont odieux, les créatures quelles qu’elles soient le sont tout autant. J’ai connu le machiavélisme d’un vampire, la hargne des loups, le besoin de pouvoir des sorciers, l’étrangeté malsaine de certaines créatures qui n’étaient que des légendes dans ma mémoire depuis peu. Tout n’est qu’une question d’acceptation et de compréhension sans pour autant bercer dans une parfaite naïveté.

- Je n'ai pas vraiment eu le temps de choisir une cause. Et puis, à quoi bon ? De toute façon, il y aura toujours quelqu'un pour tout gâcher. Si ce n'est pas nous, c'est notre voisin. Si ce n'est pas notre voisin, c'est sa femme... Et cetera. Finalement, justement se préoccuper de sa propre personne est peut-être la meilleure des causes.

<< Mais si on ne fait pas le premier pas, qui le fera ? Qui donnera cette envie d’améliorer les choses ? >> Ou de les empirer, mais nous n’avons pas rien sans rien, c’est ainsi que l’histoire se construit. << Mais bon, s’occuper de soi est aussi un excellent médicament. Encore faut-il trouver la juste mesure. >> Qu’importe l’être, nous sommes souvent prompts à aller d’un extrême à l’autre. J’ai pu le constater auprès des Mikaelson. Les grands méchants de l’histoire, mais j’ai eu la chance également de connaître leur bon côté.

- Je devrais y retourner un jour, même s'il n'y a personne qui m'attend. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose, ça m'évite de devoir choisir une date et de m'y tenir. Je peux y aller quand ça me chante, sans prévenir quiconque.

Même si je comprends son point de vue, pour ma part, c’est plus difficile. Je suis de ces personnes qui s’attristent quand personne ne vous attend quelque part. Sans doute parce que j’ai perdu tellement de gens et que j’ai manqué tant de choses. L’immortalité n’est parfois pas autant un cadeau qu’on peut le croire. Je m’attriste de ne pas pouvoir partager un moment avec Elijah qui savait si bien me consoler de tout cela. Il me manque Bien des fois, je verse une larme en repensant à ces moments vécus avec lui, dans ces bras la plupart du temps.

- Je ne suis jamais allée en Italie. Mais de ce que j'en ai entendu, c'est un pays magnifique.

Je lui souris alors que mon fusain fait son œuvre sur la feuille, ce qui me permet de mettre de l’ordre dans mon esprit. << Magnifique, c’est vrai… Il est cher à mon cœur… >> Le mot en est faible, mais on peut largement sentir l’émotion dans ma voix.

- Bien vu. Effectivement je suis à la fois perdue et en colère, vous l'aurez sans doute constaté étant donné mon ressentiment envers l'humanité. Mais... j'aime à croire que ça s'apaisera un jour.

<< Quelqu’un m’a dit un jour, que tout s’apaise avec le temps. Même si c’est parfois long, interminable même, mais cela s’apaise. >> Je souris en repensant à l’aîné des Mikaelson qui me disait cela pour calmer l’impulsivité de la vampire que j’étais. Âgée pour certains, mais encore si jeune pour lui. Je souris avec douceur alors que mon dessin prend forme. Cette nature d’ici, mais avec mon modèle vêtu comme une amazone. De l’idée que je m’en fais tout du moins. << Je perçois tellement de choses… C’est le propre des artistes, de voir au-delà de l’horizon… Et lorsque nous n’y arrivons plus, c’est que toute créativité a cessé. Cependant, je suis sûre que lorsque vous souriez réellement, vous êtes encore plus belle. Même si cette hargne et le côté sauvage de votre personnalité est loin d’être désagréables. >>

- Je n'ai pas vraiment envie d'y réfléchir. Les gens ne nous laissent aucune chance, alors pourquoi leur en laisser une ? C'est un cercle vicieux.

Par expérience, Mia savait pertinemment que les mots étaient plus que révélateurs. Les silences également, mais la jeune femme avait tant appris auprès de son défunt époux, que celle-ci pouvait se vanter de comprendre ce qui se dit à demi-mot autant que dans les silences. Cette femme qui lui fait face, semble avoir une telle rage envers le genre humain. Soit cela veut dire que c’est une humaine qui a été perpétuellement déçue par ces pairs. Ou bien que celle-ci ne semble pas être de la race des mortels. Mia pourrait chercher encore et encore, mais son instinct la pousse à se diriger vers l’option que c’est une créature. Il n’y avait pas cette méfiance propre à celle que l’on éprouve envers un loup-garou, tout autant que cette impression de magie que l’on ressent quand un sorcier ou une sorcière vous fait face. Et les vampires… Que dire… À force de les côtoyer, on sait les reconnaître.

<< La plupart, c'est vrai, ne laisse pas de chance. Mais heureusement, il y a des exceptions. >> Fit-elle simplement alors qu’elle continuait à dessiner la jeune femme devant cet arbre. Sur ce dessin, cette dernière se trouve différente. Venue d’un tout autre temps.

- Le juste milieu... Oui, pourquoi pas. J'ai tendance à faire dans l'extrême, de toute façon. C'est ma certitude.

<< Je crois qu’on est un peu tous comme ça. C’est tout ou rien. >> Chose que Mia pouvait parfaitement comprendre. Ce genre de caractère qui a fait qu’elle a séduit son mari qui s’amusait de cette fougue que pouvait avoir Mia. Celle-ci ne se laissant jamais démonter par rien, mais qui prenait tout en défis et le réussissait la plupart du temps. Heureusement qu’Ignazio savait la calmer et la maîtriser par moment.

- Je ne suis pas autant attachée à mon pays, ce que j'y ai vécu m'a empêché d'en garder de bons souvenirs. Mais peut-être qu'ici, j'arriverai à me créer un simili de vie.

<< J’ai eu de mauvaises expériences aussi dans mon pays, mais je continue à l’aimer parce que je préfère me concentrer sur tous ces bons souvenirs qui y résident. >> Comment oublier que c’est là-bas qu’elle a mis au monde le plus beau des garçons. Bien que ce fut douloureux pour elle de voir les siens continuer à vivre alors qu’elle se trouvait non loin sous la coupe de celui qui a fait d’elle une immortelle.

- Mouais, le temps est parfois notre ennemi. Si tout doit s'apaiser un jour, j'imagine que ça aurait déjà dû être le cas.

<< Il faut laisser le temps au temps. Je suis sûre que cela s’apaisera, le tout est de le vouloir et de l’accepter. >> Chose que Mia n’était pas certaine chez la jeune femme qui lui faisait face. Elle semblait si vindicative face à la vie et aux gens. Peut-être que Mia ne l’était pas assez, mais à quoi bon ! La seule personne qui fait naître autant de colère se trouve être sa mère biologique. Cela lui donne envie de vomir, rien que de penser à elle. Elijah lui manque, ces paroles auraient su la réconforter et lui faire penser de façon différente. Mais il n’est plus de ce monde et Mia le regrette fortement.

- Je n'ai plus réellement souri depuis longtemps, je pense que je ne sais même plus le faire. Merci, si vous aimez mon côté sauvage. C'est vrai que je le suis, après tout chacun a sa personnalité, et moi c'est d'être hargneuse et sauvage, quitte à paraître parfois agressive.

Les minutes défilent, bientôt les heures lorsque Mia finit enfin son œuvre. << Et cela vous va à merveille. J’espère avoir su représenter au mieux celle que vous êtes. >> Finit-elle par dire en montrant le dessin qui la représentant en une sorte de guerrière amazone fière et victorieuse posant à l’ombre d’un chêne. << Qu’en pensez-vous ? >>

- Je ne veux pas connaître ces exceptions, disons que ne pas faire confiance aux autres est ma marque de fabrique, et ça m'a sauvé la vie un bon paquet de fois.

Fermé au possible envers les êtres humains, cela ne pouvait mener Mia qu'à une possibilité. C'est que la femme qui lui faisait face n'appartenait pas à cette catégorie. Bien sûr, la vampire ne pouvait pas s'avancer sur la nature réelle de celle qui se tenait devant l'arbre à jouer les modèles du jour. Heureusement, que le temps et l'expérience ont été suffisamment grands pour que Mia puisse dissimuler ce qu'elle ressent intérieurement. Elle avait des centaines d'années d'entraînement et grâce au ciel, personne n'est encore parvenu à le percevoir réellement lorsque celle-ci ne le souhaitait aucunement. La jeune femme se contente de poursuivre son œuvre du moment tout en tentant de savoir qui se trouvait devant elle. Depuis que le Malivore a fait parler de lui, Mia apprend à connaître de nouvelles créatures, celles qui au travers d'un livre ont bercé plus ou moins ces moments où le monde devenait insignifiant. D'une certaine manière, la vampire pouvait comprendre le comportement de la jeune femme face à elle. Les humains lassent tellement vite par leur comportement, devenant plus monstrueux que les véritables monstres errant dans ce monde de perdition. Mia n'est pas une vampire qui ne connaît pas la rage et le sang. Si ce dernier venait à couler, elle pouvait très bien perdre tous ces moyens. Mia restait un danger pour tout le monde.

Plus la conversation avançait et plus Mia se rendait compte que cette femme restait évasive. Voir fermé. Alors, elle ne tenta rien de plus si ce n'est se concentrer sur son dessin.

- Je n'en ai pas de bons souvenirs, et puis, il faut vivre avec son temps, rien ne sert de regarder dans le passé.

Pourquoi cela sonnait-il faux ? Mia lève les yeux une seconde pour observer la jeune femme avant de replonger sur le portrait. << Malheureusement même si on le désire véritablement, le passé nous enchaîne qu'on le veuille ou non. >> Combien de fois Mia n'a-t-elle été victime de cette vérité ? Trop. Elle a passé des centaines d'années à chercher sa propre identité, à faire en sorte que chaque moment soit dédiée à la recherche de sa mère. Mais au final, la chose s'est avérée amère et désastreuse. Mia n'a que rancune et colère envers cette femme décevante.

- Mais le temps est parfois ce qui nous manque le plus. Il faut alors agir vite, et je ne pense pas que je pardonnerai aux gens dans cette vie ou dans l'autre.

On y est. La vérité se dessine lentement, mais sûrement. Cette fois, Mia le sait que cette jeune femme n'est pas de nature humaine. Mais elle préfère jouer la loi du silence et se contenter de son dessin. On ne sait pas ce qu'il peut arriver et si les choses se sont bien passées, c'est uniquement par le fait de son ignorance ou du fait qu'elle n'était pas intéressée simplement. Le portrait terminé, elle le montre à cette femme venue de nulle part et qui au final, ne lui inspire rien de plus que la noirceur. Sans doute, par le biais de ces paroles de plus tôt.

- Joli, et cela me représente plutôt bien !

Mia sourit laissant la jeune femme apprécier ce qu'elle a fait. Mais la voilà sûre qu'elle n'a pas l'œil d'un artiste. Mia est une femme fière, qui sait que son don artistique est des meilleures. Après tout, des peintures à elle sont exposées dans les musées du monde sous un pseudo qu'elle a longuement utilisé. On ne sait rien d'elle véritablement, mais c'est un nom dans les cours d'arts et les musées.

- Qu'allez-vous en faire ?

<< Je vous l'offre. >> Fit-elle en le signant de son nom. Mia. C'est tout. Elle lui tend la feuille puis réunit ses affaires. << Malheureusement, je vais devoir vous laisser, j'ai un cours dans peu de temps. J'ai été ravi de cette rencontre et de cet échange vraiment très agréable. >> Elle se lève l'observant un instant. << Au plaisir. >> Ou pas. << De se revoir. >> Sourire sur les lèvres, la jeune femme finit par reprendre la route de son école. Comme tout bon artiste digne de ce nom, Mia se lasse parfois rapidement. L'éphémère est souvent son lot, c'est pour ça qu'elle aime capturer ce qui lui plaît dans l'instant. Tout comme les souvenirs qui peuvent revenir à son esprit. Comme une photo que l'on prend, son crayon, son pinceau ou encore son fusain noircit la feuille des détails dont elle peut se souvenir.

Le pas léger écrase les feuilles éparpillées ici et là. L'air qui était devenu lourd, s'allège aussi soudainement que la brise qui s'élève. Le corps s'efface à mesure qu'elle s'éloigne et le cœur est à nouveau enchaîné par les tourments habituels d'une vampire pouvant devenir un monstre de sang et de faim.