When you need a witch (LIBRE)

Aujourd’hui j’étais plutôt de bonne humeur, ce qui était devenu rare ces derniers temps. J’étais loin d’avoir les traits guillerets d’une petite fille, mais j’avais envie de sortir, de voir autre chose que l’école, que les cours, et que cette vie bercée de magie où de pouvoir surnature.

J’avais le choix entre partir en voyage … mais toute seule, et sans argent, je serai vite revenue, où bien me plonger dans les livres. Littéralement je veux dire, il y avait ce sort qui permettait de vivre l’histoire en totale immersion, encore mieux que n’importe quel voyage, non ? Il fallait juste choisir le bon bouquin, et c’était la partie difficile avec la bibliothèque de l’école remplie d’étagère fantastiques.

Une histoire d’amour … mais ce qu’il y avait à la bibliothèque regorgeait de niaiserie, il n’était pas question que je m’enfile orgueil et préjugé. Je voulais quelque chose de plus pêchu, une histoire drôle et érotique, quelque chose de naturel, et pas d’inventé pour faire rêver les vierges de 25 ans.

En lisant le résumé à l’arrière, je crois que j’étais bien tombé, une histoire au temps du japon féodal, une satire sur le combat d’un samouraï qui se fait poursuivre par l’empire pour avoir entretenu une relation pas si secrète avec la femme de l’empereur.

J’avais tourné quelques pages pour m’imprégner de l’ambiance avant de me décider, et ça me faisait déjà très envie de me plonger dans cet univers. C’était ce livre-là, et je commençais à lancer mon sort quand un garçon s’approchait de moi à grande hâte.

- Hé, tu ne vois pas que je suis occupée.

Bon j’avoue, j’avais la tête dans ma lecture, et le garçon était arrivé au même moment, mais pour lancer mon sortilège je devais lire les premiers paragraphes à haute voix. Je ne devais pas être perturbé par l’environnement, sans quoi il risquait d’y avoir des impondérables sur l’issue du sortilège. Je continuais à lire en constatant que le garçon était insistant et pas très subtil.

- J’ai une tête à faire de la magie ? Allez, pousse-toi, tu me fais perdre ma concentration.

Je posais une main sur son torse pour le pousser justement, lui expliquant qu’il fallait qu’il me laisse tranquille. Il ne me restait plus que quelque phrase, et j’espérais ne pas devoir tout recommencer. Je termine mon incantation quand je me retrouve aspirée dans le livre. J’étais plutôt satisfaite avant de me rendre compte que le garçon sur qui j’avais encore une main se trouvait aspiré avec moi.

C’était censé être une aventure solitaire, une expérience pour me retrouver un peu avec moi-même, mais voilà que j’étais coincé pour un petit temps avec cet inconnu à l’air hagard. On se retrouve transporté dans une pièce qui à l’air vide, décoré avec un esprit typiquement japonais, très simple, sobre et élégant. Ma main était encore sur son torse quand je le pousse un peu plus fort pour qu’il recule.

- Tu es content de toi !?

S’il y avait bien une chose que je détestais c’était me retrouver prise au dépourvu. D’habitude je contrôle tout ce qui m’entoure, ce qui implique aussi que j’anticipe et que je ne laisse rien au hasard. Alors comment ce blondinet avait il pu s’interposer ainsi avec ma magie.

La vérité c’est que je suis fatiguée, et que si j’avais tellement besoin d’évasion, c’était justement pour éviter ce genre de situation. Alors autant dire que je n’étais pas ravie de partager mon histoire avec ce jeune homme qui semblait avoir avant de virilité que ma grande tante Brenda.

- Il n’y a pas de tripe là-dedans chérie.

Je grimace en observant le liquide visqueux qui sortait du corps de ce pénible garçon. Est-ce qu’il savait au moins ce que c’était que des trippes ? Parce qu’il n’y a rien de consistant dans son reflux, c’était juste désagréable tant à regarder qu’à entendre. Et je ne parle pas de l’odeur subtile qui permettait de remettre en perspective les habitudes alimentaires du garçon à l’estomac fragile.

- Ou si ça c’est tes tripes, je ne veux pas voir le reste de ton anatomie.

Levant les yeux au ciel, je m’écarte en laissant mon invité, enfin, incrusté de voyage terminé ce qu’il avait entrepris. Je flâne dans la petite maisonnée qui n’avait pas l’air luxueuse, mais pourtant agréable. Il y avait un équilibre harmonieux, du moins il l’était avant qu’un trouble-fête vienne saloper le plancher ciré.

En entrant dans ce qui paraissait être une cuisine, je me fais tout de suite agressée verbalement par une femme qui pouvait être la maitresse de maison. Et même si je ne comprenais rien au japonais, j’imaginais très bien la nature des propos. Je sors de la maison par la porte qu’elle m’indique du doigt, m’imprégnant en un instant de l’ambiance de ce petit village d’époque. J’en avais presque oublié l’autre qui risquait de se faire une amie quand elle le découvrirait pataugeant dans son vomi.

D’ailleurs, je me retourne en direction de ce qui devait être une fenêtre pour observer la scène. Je ris toute seule avant de réciter une incantation pour arriver à comprendre les dialogues de cette femme. Les injonctions virulentes n’étaient plus si incompréhensibles, et je faisais en sorte que mon compère aussi comprenne la langue, au moins le temps de notre séjour ici.

Mon escapade aurait été des plus satisfaisante si je n’avais pas embarqué avec moi cet intrus qui ne faisait que me conforté sur l’opinons que j’avais des blonds. Il a l’air tellement niais, un oisillon tombé de son nid aurait plus de charisme que mon camarade qui ne supportait même pas un voyage dans une dimension magique.

Je l’avais laissé seul face à son œuvre, mais je n’étais pas partie sans lui. Dehors j’observais le paysage qui n’avait rien de commun avec Mystic falls. J’adorais ça, voyager de livre en livre, et si j’avais appris cette façon très personnelle d’explorer l’univers d’un auteur, j’en connaissais aussi très bien les risques.

Si je m’en allais sans le garçonnet, il risquait de se retrouver enfermer ici pour toujours. Après tout, personne ne le regretterait, si ? Il revient vers moi, toujours penaud, en feignant un semblant d’autorité dans une voix qui s’estompait aussi rapidement qu’elle était montée. Il avait des humeurs aussi versatiles vraisemblablement que son estomac.

- Dis donc, tu te crois en colonie de vacance ?

Je n’aime pas l’idée qu’il vienne s’incruster dans mon monde imaginaire. Mais je devais faire avec de toute façon, et il avait une façon plutôt amusante de s’émerveiller devant cette grande montagne enneigée. Je regardais au loin, sans savoir par contre cette fois ce qu’on risquait à s’aventurer si loin dans un univers magique.

- Il y a pas un endroit où j’enlève les piles ?

Ce gars était tout excité, comme un enfant à sa première classe de neige. Sauf que je ne suis ni sa mère, ni sa sœur, mais pourtant je ne sais pas pourquoi, j’étais attendrie un peu. Il n’a pas l’air méchant comme garçon, juste terriblement agaçant. Je le dévisage en train de pointer l’horizon du doigt avec tellement d’enthousiaste.

- On peut pas allez là-bas, c’est dangereux !

Il me tend la main, et je le toise avec un regard inquiet. Il y avait mille raison de ne pas s’éloigner, la première étant que je ne savais pas du tout ce qui nous attendait. Il pose des questions comme un enfant trop curieux, et je soupire en levant les yeux au ciel.

- Jamais tu t’arrêtes de parler ?

En avançant un peu, je prenais la direction de la montagne qui était de toute façon beaucoup trop loin pour qu’on la rejoigne à pied. La gravir encore moins, mais s’avancer un peu dans le village en direction du mont, c’était possible. Sans répondre aux questions du blond, j’avance vers ce paysage enneigé, essayant de me souvenir de la dernière fois où j’ai pu profiter de la neige.

- Est-ce que tu as besoin de savoir où tu es pour apprécier l’endroit ?

C’était une question rhétorique, et en même temps pertinente. Trop de personnes veulent savoir trop de chose, alors que l’ignorance n’est pas toujours un poids, mais bien une force vive qui empêche justement de trainer des réponses trop lourdes à porter.

- C’est comme avec les jolies filles. Tu peux regarder, mais pas toucher, c’est hors d’atteinte pour toi.