Merry Christmas ~ Junilien

Décembre était arrivé. Plus vite que June ne l'aurait cru. Les habitants découvraient la ville sous un jour nouveau en cette période. Si le froid n'incitait pas les citadins à sortir de chez eux, exception faite des enfants qui adoraient faire des batailles de boules de neige ou construire des bonshommes de neige lorsque la poudreuse était suffisamment tenace, les décorations qui enjolivaient Mystic Falls pouvaient les pousser à revisiter les rues qu'ils connaissaient pourtant déjà. June adorait se baladait dans la commune en cette période avec des amis, prendre en photo les différentes lumières et guirlandes lumineuses accrochées ici et là ou encore les devantures de magasins où étaient parfois exposés des statuettes de Père Noël ou des traineaux, mais aussi boire un bon chocolat chaud pour se réchauffer. Sans oublier l'animation dans les rues, les musiques qui transportaient chacun dans vers ce monde magique, ou encore les fameux films de Noël qui repassaient chaque année à la télévision.
Comme l'indiquait son prénom, June préférait l'été et la chaleur, mais les fêtes de fin d'année, Noël plus particulièrement, n'avaient nul autre pareil durant la saison chaude. Elle pourrait se passer d'un été chaud, mais il serait difficilement envisageable pour elle de ne pas fêter ce jour de fin décembre. Quoique aujourd'hui, les choses étaient un peu différentes... Et pas dans le bon sens du terme.

Pourtant, cette année, elle avait même ajouté une nouvelle activité à son programme, qu'elle n'avait encore jamais eu l'occasion de faire jusqu'à présent : observer la ville entièrement décorée depuis le toit du lycée. C'est au début de l'année scolaire qu'elle s'y était rendue, avec un homme qu'elle venait de rencontrer lors d'une fête et avec lequel elle s'était immédiatement entendue : Emilien White. Aujourd'hui, elle était devenue très proche de lui. Elle le connaissait depuis quelques mois seulement, mais elle avait l'impression de le connaître depuis son enfance. Le feeling entre les deux était évident. Elle adorait passer du temps avec lui, leurs taquineries, la confiance qu'elle pouvait lui accorder sans crainte. Ses pensées étaient même régulièrement tournées vers lui, sans forcément qu'elle ne le remarque ou qu'elle ne se l'avoue. Pourtant, après l'avoir amenée sur le toit du lycée pour la première fois, la soirée ne s'était pas particulièrement bien terminée. En effet, après des propos maladroits de la part de la sorcière, Emilien s'était vexé. Elle craignait avoir gâché cette amitié nouvelle, mais il n'en fut rien. Il faut dire que grâce à elle, il avait pu obtenir un travail aux horaires aménagés pour qu'il puisse coupler son emploi du temps avec celui de ses cours, et ainsi gagner de l'argent. Comme promis, June s'était rendue le lundi même après l'avoir rencontré au café où elle avait elle-même travaillé durant l'été. Elle avait parlé de lui au patron avec lequel elle avait gardé un bon contact, au point qu'elle le tutoyait, et l'homme en question avait accepté de rencontrer Emilien. Elle l'avait alors aidé à faire une lettre de motivation et un curriculum vitae et plus globalement, lui avait appris les bases en informatique. Si son CV n'était pas très fourni, sa bonne volonté et sa motivation avaient convaincu le patron de lui laisser sa chance. Il en avait très vite été satisfait et avait décidé de le garder. Depuis, les deux jeunes étudiants se voyaient régulièrement et faisaient diverses activités : restaurants, cinéma, balades, bowling, ...
En parallèle, ce rapprochement avait occasionné quelques tensions avec une autre de ses amies, Leonora. Plus elle s'était rapprochée d'Emilien, plus la complicité entre les deux étudiants qui étaient scolarisés dans la même école l'irritait au plus haut point. Il est vrai que la jalousie faisait partie des défauts de June. Son passé marqué par la compétition qui se jouait entre sa sœur et elle ainsi que la trahison sentimentale qu'elle avait vécue avait accentué ce trait de caractère. Elle avait peur d'être abandonnée. Que ses proches trouvent quelqu'un de plus intéressant qu'elle. Quelqu'un auprès de qui se confier et ne le fassent plus avec elle. Elle parvenait généralement à s'en rendre compte et à relativiser. Mais avec Leonora, non. Elle n'y arrivait pas. Pourquoi donc ? Elle ne se l'expliquait pas. Ou bien refoulait-elle ce qu'elle commençait à ressentir. En un sens, elle s'en voulait. Mais elle ne pouvait s'empêcher de percevoir son - ancienne ? - amie d'un œil négatif à présent.

À l'approche de Noël, lorsque les décorations avaient repris leur place, la sorcière avait donc proposé au jeune homme de venir les observer depuis ce poste d'observation qu'il lui avait fait découvrir. Il avait immédiatement accepté. Et la sorcière ne s'était pas trompée. La vue y avait été splendide. Ses yeux brillaient autant que les décorations scintillaient dans la nuit. C'est ce jour-là qu'Emilien lui avait proposé de fêter Noël le 26 chez lui. Il avait annoncé être seul, ce qui peina profondément June. En effet, Noël était censé être une fête de famille, un moment de retrouvailles, un instant festif tout simplement. Même si dans la famille de la sorcière, Noël n'avait plus rien à voir avec la fête qu'elle célébrait à l'époque où Casey était là. La « magie » n'était plus là. Aux rires et aux sourires, il manquait le regard pétillant et les éclats de joie et de vie. Il y avait parfois cet échange visuel entre ses parents, ce regard voilé de tristesse que l'un et l'autre comprenaient sans dire un mot. Que June interprétait sans mal. Elle se sentait responsable, et à côté du joyeux tableau dépeint précédemment, il y avait cette triste vérité qui s'imposait chaque année à elle à présent au sein de sa famille. Elle n'en avait d'ailleurs jamais parlé à Emilien, de sa sœur adoptive et du fait qu'elle avait disparu par sa faute.
Ce n'est pas pour autant par pitié qu'elle avait accepté son invitation, mais par réelle envie. Elle avait alors dû s'organiser, puisqu'il était convenu qu'elle rejoigne sa famille le 24 décembre cette année. Elle était rentrée chez elle pour profiter de ses proches. Il y avait eu le sapin, les bons repas, les cadeaux et la bonne ambiance - gâchée comme toujours par les regrets sous-jacents, par l'absence de Casey -. D'un point de vue extérieur, cette amertume n'était pas visible, mais June la ressentait au fond d'elle-même. Elle savait que malgré leur amour, ses parents lui en voulaient. Elle ignorait par contre si un jour, les reproches exploseraient à la surface. Elle était à présent leur dernière fille, pouvaient-ils prendre le risque de la perdre elle aussi, alors même qu'elle était responsable de la disparition de leur autre ? Cela devait être d'autant plus déstabilisant pour eux, de devoir vivre dans cette contradiction. La jeune sorcière en était profondément peinée, était rongée par les regrets, mais elle évitait au mieux d'y penser. C'était cela le problème avec Noël et les fêtes de famille, elles mettaient en avant et accentuaient les dysfonctionnements familiaux, au sens large. Emilien devait en savoir quelque chose, puisqu'il était seul. Et voir la plupart des gens retrouver leur famille tandis que lui restait seul devait être difficile.
Après les retrouvailles avec sa famille, elle était repartie le 25 décembre dans la soirée. Là encore, son départ était une preuve que la relation avec ses parents n'était plus tout à fait la même. À l'époque, ils auraient cherché à la retenir, ou lui aurait montré que le fait qu'elle parte fêter chez l'un de ses amis les attristait quelque peu. Mais aujourd'hui, ce n'était rien de tout cela. Au contraire, ils lui avaient simplement souhaité un bon voyage. Elle en était blessée, mais dans le même temps elle était très heureuse de retrouver l'un de ses amis les plus proches le lendemain.

Malgré la courte nuit, elle s'était levée tôt. À vrai dire, l'impatience qui la traversait avait perturbé son sommeil. Elle était cependant en grande forme. Elle avait fait le choix de ne pas prendre de petit déjeuner, préférant se réserver pour le repas du midi. Emilien se débrouillait plutôt bien en cuisine. Certes, il se contentait de plats assez simples, mais il progressait à chaque fois et June, qui n'était pas des plus difficiles, se régalait toujours. En effet, tous deux mangeaient régulièrement ensemble et parfois, il l'invitait chez lui pour le repas. Il était plus difficile pour elle de lui rendre la pareille étant donné qu'elle n'avait pas de logement mais vivait au sein de l'école Salvatore.

Elle prit alors tout le temps dont elle disposait pour se préparer. Elle opta pour une très jolie robe de couleur bleue et se maquilla de sorte à ce que le maquillage s'accorde parfaitement avec ses vêtements. Elle n'abusait jamais du superflu, un maquillage léger et discret, bien accordé, suffisait à la mettre en valeur. Ce n'était d'ailleurs pas ce qu'elle recherchait, elle ne le faisait même pas tous les jours, réservant plutôt ses fonds de teint ou ses rouges à lèvres pour les soirées ou les occasions spéciales. Elle appréciait par contre appliquer du vernis à ongles, c'était peut-être l'exception.
Quand elle fut prête, elle jeta un regard à son portable. Il était temps qu'elle se mette en chemin. Elle attrapa un manteau se mariant parfaitement avec sa tenue et commença à se diriger vers la porte de sa chambre.

« Oh ! Mince ! Le cadeau ! » murmura-t-elle.

Dans la précipitation, elle manqua de partir sans le cadeau qu'elle avait acheté à Emilien. L'ayant soigneusement emballé, elle le prit avec délicatesse puis quitta l'école pour rejoindre le domicile de son ami.

Il était un peu moins de 12h30 lorsqu'elle arriva devant chez lui. Elle était à l'heure, puisqu'il lui avait dit de venir dans ces eaux-là. Elle frappa à la porte et lorsqu'il l'ouvrit, elle ne put réprimer un large sourire. Le temps se figea l'espace d'un instant, ou bien était-ce plutôt parce que les deux individus restaient plantés là sans dire un mot.

« Tu... Tu es vraiment en beauté aujourd’hui... » commença Emilien, brisant ainsi le silence. « Pas que tu ne le sois pas en tout temps... Bon okay je suis un idiot. » poursuivit-il rapidement.

June se mit à rire, même si son visage s'empourpra sans qu'elle ne le veuille.

« Je te remercie. Tu es très élégant toi aussi, comme toujours. » répliqua-t-elle, en lui décochant un clin d'œil amusé.

Il l'invita à entrer et la demoiselle s'exécuta. Une bonne odeur vint immédiatement chatouiller son nez. Son estomac se mit à gargouiller en réponse à celle-ci. « J'aurais peut-être quand même dû grignoter un petit truc » pensa-t-elle, espérant qu'il n'ait rien entendu.

« Tu veux que je te débarrasse peut-être ? » lui demanda-t-il.

« Je te remercie. » répondit la sorcière en enlevant son manteau pour le lui donner. « Quant à cela, rêves pas ! » reprit-elle d'une voix amusée, en serrant le cadeau contre elle. « Je vais le déposer moi-même sous ton sapin ! »

Elle lui lança un regard de défi, l'air de lui dire « tu ne sauras pas ce que c'est ! », un sourire taquin sur les lèvres, puis se dirigea vers le petit arbre joliment décoré et y déposa le paquet qu'elle avait ramené.

« J'espère que je ne suis pas trop en avance. En tout cas, ça sent drôlement bon ! J'ai hâte de savoir ce que tu as préparé ! » rit-elle.

La sorcière venait d'arriver chez son ami. Elle avait attendu ce jour-là avec impatience, même si elle n'avait pas eu hâte que la fête avec sa famille se terminent. Ou plutôt était-elle dans cet entre-deux, à la fois impatiente d'échapper à cette tension qui s’immisçait dans l'ambiance familiale et en même temps heureuse de revoir ses proches, rongée par l'espoir que le passé soit oublié, qu'elle savait vain. Au moins, avec Emilien, tout était vrai. Pas de malaise, pas de regrets. Que de la complicité et de la confiance. L'un comme l'autre devait probablement en avoir besoin en cette période. L'un par l'absence de ses proches, l'autre par cette relation amochée avec sa famille.

La confiance... Il était vrai qu'il y avait peut-être un aspect que June cachait : sa nature. En même temps, elle ne pouvait lui avouer ce qu'elle était. Qu'est-ce que cela lui apporterait ? Rien. Ce n'est pas comme si sa nature faisait d'elle une autre personne. Elle était honnête sur sa personnalité. Le reste n'avait pas d'importance. Cela n'apporterait rien de bon si un jour elle l'apprenait. Peut-être la fuirait-elle. C'était même fort probable. Et elle ne mettrait pas que sa propre existence en danger, mais celle du monde surnaturel. Il était hors de question d'agir de la sorte. Mais à vrai dire, tout était si naturel avec Emilien qu'elle ne se posait pas la moindre question à ce sujet. Aucun de ses amis du lycée de Mystic Falls, d'ailleurs, n'était au courant de sa nature, sauf d'éventuels loups-garous. Si leur relation venait à évoluer, probablement se poserait-elle davantage de questions, mais elle était bien loin de tout cela, tout du moins consciemment. Inconsciemment, son cœur commençait déjà à lui envoyer des signaux, qu'elle ignorait.

Après qu'il l'ait débarrassé de son manteau, elle était allée déposer le cadeau qu'elle avait acheté pour son ami au pied du sapin, lui interdisant de s'en emparer, au passage. Cadeau qu'elle avait failli oublier ! Elle aurait eu l'air fine !

« Bien madame, je ne voudrais pas vous froisser. Par contre interdiction de toucher le paquet qui se trouve déjà sous le sapin, sinon je mords. » répliqua-t-il avec amusement.

June lui lança un regard de défi, un sourire taquin illuminant son visage. Elle s'inquiéta ensuite d'être arrivée en avance, mais il la rassura.

« Non ne t'inquiète pas ton timing est tout simplement parfait. Ne t'attends pas à quelque chose d'incroyable, tu sais bien que je ne fais jamais trop compliqué. J'avoue que l'odeur me donne déjà envie de passer à table mais le plat de résistance n'est pas pour tout de suite. »

La demoiselle lui sourit doucement. Elle n'avait aucun doute quant au fait qu'elle se régalerait.

« Ce sera parfait, comme toujours, je ne m'en fais pas une seule seconde ! Puis de toute façon, je suis surtout venue pour le cadeau ! »

L'instant d'après, elle éclata de rire. Il savait bien que ce n'était pas vrai. Même sans cadeau, sans nourriture, elle ne serait pas passée à côté de cette journée auprès de lui. Elle l'attendait depuis si longtemps, même si elle en avait parlé avec une certaine réserve à ses amis, parce qu'il commençait à la charrier. Particulièrement sa meilleure amie. Il n'était pas compliqué d'imaginer leurs propos, ce qui l'amusait la plupart du temps, mais à force qu'ils insistent, cela pouvait parfois l'agacer également. Mais elle savait que ce n'était pas méchant, bien au contraire, s'ils la taquinaient c'était bien parce qu'elle était leur amie. Et ils avaient plus de recul qu'elle pour comprendre qu'effectivement, des sentiments commençaient à voir le jour même si elle affirmait le contraire et en était d'ailleurs persuadée.

« Ton voyage s'est bien passé ? Pas trop long ? » demanda Emilien.

Bien que June possédait le permis de conduire, elle était rentrée chez elle en avion. Au vu de l'aller-retour qu'elle allait devoir faire entre la Virginie et l'Illinois sur un temps si court, le trajet en voiture ou en train aurait été bien trop long. Elle n'avait jamais eu peur de l'avion alors ce n'était pas un problème pour elle. C'était même bien pratique. Ses parents l'avaient ensuite récupérée à l'aéroport.

« Oui ça a été, je te remercie ! En avion, c'est assez court. C'est sûr qu'en voiture, je ne serais peut-être même pas encore là haha ! » lui répondit-elle en riant. « Heureusement que je n'ai pas peur de l'avion, du coup. Tu as déjà pris l'avion, toi ? »

Ce n'était pas une question tellement surprenante. Il n'était pas rare, parmi les jeunes et même les moins jeunes, que ce mode de transport n'ait jamais été testé, pour diverses raisons ; économiques, peur, pas l'occasion de voyager.
June aimait en apprendre davantage sur son ami, même sur des points anodins de sa vie. Ce n'était pas plus mal, puisque étant isolé, il n'avait pas de famille pour s'intéresser à lui, demander comment la journée s'était passée, ce qu'il prévoyait de faire aux prochaines vacances. Et même s'ils ne pouvaient remplacer une famille, les amis pouvaient au moins atténuer son sentiment de solitude. Bien que même très entouré, ce sentiment pouvait exister. June le ressentait malgré tout lors des fêtes de Noël, par exemple, car elle était prise par la culpabilité. Au contraire, les personnes très solitaires pouvaient ne pas ressentir ce sentiment de solitude. Mais ce n'était pas le cas d'Emilien. Même s'il aimait avoir des moments à lui comme tout le monde, la solitude n'était pas son fort, elle l'avait bien vite compris. Ils se ressemblaient beaucoup sur ce point. Et sur beaucoup d'autres.

Emilien s'était donné du mal pour accueillir et recevoir June de la meilleure façon qui soit. Il n'avait pas besoin de le lui dire, elle le remarqua aisément. Et elle le connaissait bien. Mais elle savait que même s'il avait commandé le repas, elle aurait passé un merveilleux moment. Parce que ce qui comptait, c'était sa présence à lui. Le reste n'était pas si important finalement. Alors elle ne douta pas un instant qu'elle passerait une superbe journée et le rassura suite à ses propos.

« Ne t'inquiètes pas une seule seconde ! Jamais je ne regretterai d'être venue aujourd'hui. Au contraire. Si j'avais eu un empêchement, je m'en serais voulue à mort et je l'aurais longtemps regretté. » dit-elle avec une profonde sincérité.

Elle sourit en entendant le reste de sa phrase, touchée par ses propos, même s'il avait employé un ton amusé.

« Je vais devoir me montrer patiente alors ! » répliqua-t-elle, son radieux sourire ne quittant pas ses lèvres.

De toute façon, elle ne comptait pas partir de si tôt ! Elle grignoterait jusqu'à la dernière minute qu'elle pourrait passer en présence de son ami.

Elle jeta un rapide coup d'œil au cadeau qu'elle avait déposé il y a peu. Elle avait pris un certain temps à trouver ce qu'elle allait lui offrir. Cela n'avait pas été facile même si Emilien ne semblait pas exigeant. June aimait faire plaisir à ses proches et un cadeau n'était pas qu'une simple formalité pour elle, elle faisait toujours en sorte de les personnaliser selon les goûts de chacun. Elle était ainsi, soucieuse de bien faire et généreuse. Ce n'était pas pour rien qu'elle était autant appréciée à son école.

Après lui avoir affirmé que son voyage s'était bien passé, il la taquina à nouveau à propos du cadeau.

« Je serai venue le chercher dès mon arrivée ! » s'amusa-t-elle.

Elle l'écouta avec attention lorsqu'il expliqua n'avoir jamais pris l'avion ni voyagé beaucoup. De ce qu'il lui avait raconté, ses parents avaient un mode de vie plutôt... particulier. Ou atypique disons, si ce terme était moins jugeant. Même si June n'était pas le genre à juger les autres, encore moins sur ce genre de critère. Tant qu'un mode de vie ou une culture n'offensait personne, pourquoi les critiquer ?
Emilien avait en effet grandi dans un milieu plutôt fermé, tout du moins c'est ce qu'il avait affirmé. Et la sorcière ne remettait pas en question son histoire, loin d'imaginer d'où il venait réellement. Aussi, n'était-il pas surprenant que les voyages n'avaient pas fait partie de leurs préoccupations. Si pour beaucoup ils n'étaient pas indispensables, ils permettaient, selon June, de découvrir d'autres cultures et d'autres coutumes justement et ainsi, de permettre une ouverture d'esprit sur le monde. Si on s'en donnait un minimum la peine. Elle aimait beaucoup voyager dans des pays étrangers. Elle avait parfois fait de très belles rencontres au cours de ses quelques périples. Elle fut tirée de ses pensées lorsqu'il poursuivit :

« Peut-être qu'un jour on le prendra ensemble. Qui sait ? »

La sorcière lui sourit avec douceur.

« Ce serait avec grand plaisir. Il y a encore tellement d'endroits que j'aimerais visiter ! »

Durant son enfance, elle voyageait avec ses parents et Casey. Par la suite, elle partait plutôt avec ses amis ou avec Isaac. Il faut dire que depuis le départ de sa sœur adoptive, l'ambiance n'étant plus la même avec ses parents, elle n'imaginait pas un instant repartir avec eux. Mais ce n'était pas surprenant, à son âgé ce n'était pas courant de continuer à voyager avec ses parents.
Elle espérait qu'un jour, ce projet se concrétiserait avec Emilien. Elle était certaine qu'il n'y aurait pas de tensions entre eux et qu'ils parviendraient à définir ensemble un programme et une organisation.

Le jeune homme se dirigea vers la cuisine.

« Tu as faim ? On commence ? » lui demanda-t-il.

June acquiesça d'un signe de tête, son estomac ne perdant pas plus de temps pour se manifester et approuver. Elle prit place à la table alors qu'Emilien revenait avec deux verrines.

« Alors la première verrine est une mousse d'avocat avec une couche de fromage frais mélangée à du saumon fumé. Pour la seconde c’est une mousse de crevette. »

Visuellement, c'était très réussi. Ses yeux pétillaient d'impatience. Nul doute que ses papilles gustatives confirmeraient cet intérêt.

« En tout cas, ça donne très envie ! »

Elle attendit que son ami prenne place et soit prêt pour commencer à faire honneur à la préparation.

« Bon appétit ! » lâcha-t-elle avec enthousiasme.

Dès la première bouchée, elle se régala. Son entrée était plus que réussie. Les ingrédients choisis se mariaient parfaitement entre eux.

« C'est vraiment délicieux ! Tu devrais prendre confiance en tes capacités de cuisinier ! » le complimenta-t-elle. « Le patron te laissera peut-être même faire de bons petits plats ! » le taquina-t-elle. « D'ailleurs, comment ça se passe au boulot ? »

Grâce à elle, Emilien avait pu obtenir un job dans un café où elle avait elle-même travaillé durant l'été. En plus des boissons, il était possible de commander des plats. Il ne fallait pas s'attendre à des repas gastronomiques, mais le rapport qualité-prix était plus que correct. Elle avait certes employé le ton de la plaisanterie lorsqu'elle avait dit qu'il pourrait cuisiner pour les clients, mais elle le pensait sincèrement. Si ce n'était que le début du repas, qu'est-ce que la suite lui réservait ? Elle avait hâte de le savoir. Mais pas trop quand même. Elle voulait profiter d'Emilien le plus longtemps possible.

Fêter Noël plus tard ? Oui, si vraiment cela n'avait pas été possible pour June de venir aujourd'hui, cela aurait été une solution. Mais la demoiselle n'en aurait pas été satisfaite, sur le coup, de devoir décaler. Même si cela promettait un autre jour passé en la compagnie de son ami. Bien qu'il n'y avait pas besoin d'occasions ou de fêtes particulières pour qu'il passe une journée ensemble. En l'occurrence, dans le cas présent, cette journée lui permettrait de laisser de côté les tensions invisibles dans lesquelles elle avait évolué lors de son séjour en famille. C'est aussi pour cela que c'était si important pour elle.

« Oui c'est sûr, cela n'aurait pas été « perdu », mais j'aurais tout de même été déçue de devoir attendre. » avoua-t-elle.

Elle ne se lassait jamais de sa compagnie. Aussi, lorsque leur conversation dévia sur les voyages, elle envisagea sans difficulté aucune de partir avec lui afin de découvrir d'autres horizons.

« C’est noté alors, mais tu ne pourras pas revenir en arrière, maintenant que tu as dit que tu étais d’accord c’est pour toujours. »

June sourit et lâcha innocemment :

« Bien sûr que je suis d'accord de partir avec toi ! Ça me fera des voyages gratuits du coup ! Mais je te préviens, je ne vais que dans des 5 étoiles alors tu peux déjà commencer à économiser. »

Elle se mit à rire. Ce n'était tellement pas son genre. Ni de profiter ni d'être exigeante. Il lui fallait un certain confort c'est vrai, mais elle n'était pas de ceux qui visaient les destinations les plus paradisiaques et les hôtels les plus luxueux. Et elle était encore mois de ceux qui se vantaient. Mais ça, Emilien le savait pertinemment. Il savait un certain nombre de choses la concernant, particulièrement sa personnalité. Ce qu'il ignorait, c'était sa nature. Et aussi les tourments qui l'avaient assiégée par le passé suite au départ de sa sœur adoptive et qui l'assiégeaient parfois toujours, comme à Noël. Elle n'avait jamais eu l'occasion de le dire et elle ne savait pas ce que ça lui apporterait de le savoir. Mais surtout, elle avait peur qu'il la juge. Parce que Casey était partie par sa faute, par la faute de sa jalousie. Parce qu'elle n'était peut-être pas aussi bienveillante qu'elle ne le laissait paraître. Elle avait appris de cet événement, mais la culpabilité était toujours présente au fond d'elle. C'était un sentiment dont il était difficile de se débarrasser, en tout cas pour certains individus plus que pour d'autres. June ne comprenait pas les personnes qui commettaient des crimes horribles sans ressentir la moindre once de culpabilité, de regrets. Pour elle, ce n'était pas « humain », qu'on soit mortel, immortel, légendaire. Il ne s'agissait là que d'esprit malade, sans âme.
Un jour, elle le lui dirait probablement. Un jour où les souvenirs se feraient trop prégnants, ou un simple rappel - un objet, un son - survenu au cours d'une journée ramèneraient ses souvenirs à la surface.

Le ventre des deux jeunes gens les incita à passer à table. Ce n'était que le début du repas, mais June se régalait déjà. Elle le complimenta quant à ses capacités de cuisinier, qu'il aurait presque pu mettre à l'œuvre à son job étudiant.

« Ce n'est pas exactement la même chose entre cuisiner pour deux et pour tout un service. Je ne serais pas capable de gérer tout ça, tout du moins pour l’instant. En plus ce ça je suppose qu’il faut un minimum de diplôme afin de pouvoir travailler en cuisine. » répliqua-t-il.

Il avait parfaitement raison. Le travail dans le domaine de la restauration s'avérait être éprouvant, qu'on soit dans les cuisines ou au service d'ailleurs. Travail physique, nécessitant de la rapidité et ainsi stressant, avec des horaires pas très avantageux. Ce n'était pas un secteur dans lequel June se serait projetée sur le long terme. Elle appréciait cuisiner de bons petits plats pour ses amis, tester des nouveautés, mais à son rythme, sans se dire que derrière, il y a des clients qui attendent et qui risquent de manifester leur mécontentement si cela traîne trop. En tant que serveuse, il y avait le contact avec les clients, certains agréables, d'autres plus antipathiques, comme partout. Mais cela n'avait rien à voir avec ce qu'elle recherchait en termes d'aspirations professionnelles. Elle avait trouvé sa voie en étudiant la psychologie à son école, en parallèle des cours surnaturels. Son choix de filière avait-il également été influencé par sa propre histoire, sa culpabilité née du fait du départ de sa sœur ? Peut-être bien un peu inconsciemment, mais cela ne se résumait pas à cela. Ses capacités empathiques, l'écoute qu'elle accordait aux autres, le souhait profond de vouloir les aider, c'était bien cela qui l'avait poussée à s'orienter vers ce chemin. En outre, la psychologie recouvrait de nombreux domaines, et elle avait encore le temps de décider quelle branche elle souhaitait suivre pour se spécialiser.

« Eh bien écoute tout se passe super bien, le patron semble content et puis moi aussi. Je vois pas mal de monde et ça fait du bien. » répondit-il à la question de la sorcière.

Un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres. Elle ne doutait pas qu'il s'investirait dans son travail, quand bien même ce n'était qu'un moyen de subsistance. Mais elle était heureuse de savoir qu'il s'y sentait bien. Il devait y avoir des jours où c'était compliqué, subir le stress des collègues, faire face à des clients particulièrement pénibles, mais globalement, lorsque June y travaillait, elle en gardait un bon souvenir dans l'ensemble, ne retenant pas les mauvais moments. Il en était visiblement de même pour Emilien.

« Il me demande souvent des nouvelles de toi, il t’apprécie vraiment. Je viens de penser peut-être qu’on pourra bosser ensemble les prochaines vacances si tu viens travailler. » poursuivit-il.

June y avait surtout travaillé durant l'été, parfois de façon occasionnelle les week-ends ou des jours par-ci par-là pendant les vacances, mais jamais les vacances complètes hors celles d'été. Elle avait souvent beaucoup de travail et des examens à préparer, alors c'était moins évident pour elle de travailler durant l'année scolaire. Elle avait la chance d'être hébergée au sein de l'école Salvatore et d'avoir de l'aide de ses parents, alors elle pouvait se permettre de ne travailler que durant l'été. Surtout qu'elle n'était pas dépensière. Mais la perspective de bosser avec lui lui plaisait beaucoup.

« Je suis contente de savoir que tout se passe bien, même si le contraire m'aurait étonnée. Le patron est vraiment sympa et tu sembles être un bosseur, alors il n'y avait pas de raison ! » répondit-elle. « Tu pourras lui passer mon bonjour ! Bon on se voit quand même de temps en temps, lorsque je vais boire un verre ou que je passe devant. Je m'arrête systématiquement pour le saluer s'il est là. Puis, maintenant, il faut aussi que je m'arrête pour te saluer, si tu y es ! Surtout qu'il m'a demandé de te surveiller lorsqu'il n'est pas là pour être sûr que tu fais bien ton boulot !» plaisanta-t-elle. « C'est vrai qu'en général je viens surtout l'été, et quelques jours de temps en temps mais voilà, c'est pour dépanner plus qu'autre chose. Pendant l'année scolaire, c'est compliqué de dégager du temps avec les cours et les examens. Cependant, je vais essayer de m'avancer au maximum, cela pourrait être chouette en effet ! De toute façon il a souvent besoin de monde alors je pourrai le prévenir assez tardivement s'il y a une faisabilité par rapport à mon planning scolaire. Je te dirai ce qu'il en est. »

Elle ne réalisa pas qu'elle avait déjà fini les deux verrines. Il faut dire qu'elle n'avait eu aucun mal à les manger, tellement elle s'était régalée.

« Je me répète mais c'était vraiment délicieux! »

Elle attendit qu'il ait fini et qu'il s'apprête à se lever pour l'aider à débarrasser.

June écoutait attentivement son ami lorsqu'il lui expliqua que ce boulot avait facilité sa vie. C'est sûr que sans l'aide de ses parents, cela ne devait pas être évident. Encore moins durant les temps actuels. June ne savait pas comment elle s'en serait sortie, à sa place, bien qu'il n'était pas compliqué d'imaginer que l'absence de ressources n'aurait pas été le plus compliqué à gérer pour elle, mais le fait de ne plus avoir de famille. Même si aujourd'hui les choses avaient changé, même si ses parents ressentaient une certaine amertume silencieuse à son égard, elle ne pouvait pas réellement dire qu'elle n'avait plus de famille. Loin de là. Si elle avait besoin d'eux, ils étaient là, sur le plan matériel. Sur le plan affectif, être à son écoute par exemple, ou la conseiller, ils pouvaient également se montrer présents même si ce n'était plus très fréquent et qu'il planait toujours une sorte de malaise. Était-ce réellement le cas, était-ce objectif et non subjectif ? Oui, c'était certain. Mais en même temps, à force de se tourmenter avec toute cette histoire, à elle-même s'éloigner de sa famille par honte, elle accentuait le problème, et risquait de ne plus discerner les choses correctement, d'interpréter les gestes et les paroles d'une mauvaise façon.
Mais elle restait consciente de la chance qu'elle avait, d'avoir toujours un lien avec ses parents tandis que son ami n'en avait plus.

Elle lui adressa un sourire lorsqu'il exprima sa hâte à l'idée de travailler avec elle. Elle garda précieusement cette idée dans un coin de sa tête et se jura de faire le nécessaire pour pouvoir la concrétiser. Elle pourrait ainsi mettre davantage d'argent de côté également.

« Je ferai tout pour que ça se concrétise. » promit-elle.

Après avoir terminé l'entrée, les deux jeunes se levèrent pour débarrasser. Comme à son habitude, la demoiselle l'aida. Elle n'était pas de ceux qui restaient cloués sur leur chaise à attendre qu'on les serve sans demander à l'hôte s'il a besoin d'aide.
Lorsque le repas fut servi à table, une bonne odeur se répandit dans la pièce. Emilien avait fait des tagliatelles accompagnées d'une sauce forestière et de dinde. Elle avait hâte d'y goûter, ce qui ne tarda pas à arriver.

« C'est vraiment délicieux ! J'espère que cela ne t'a pas pris trop de temps à préparer tout cela. »

La suite du repas fit l'objet de discussions diverses. Vint ensuite le fromage, puis le dessert, une fameuse bûche de Noël. June était repue ; elle s'était peut-être même laissée aller à la gourmandise. Elle le complimenta pour ce fabuleux repas qu'il lui avait offert.

« C'était vraiment excellent ! J'espère être à la hauteur la prochaine fois que je t'inviterai ! »

Après avoir terminé de débarrasser et de ranger, le jeune homme annonça le temps de la distribution des cadeaux.

« Ah ! Le moment que j'attendais depuis que je suis arrivée ! » lâcha la sorcière d'un ton espiègle, en se précipitant pour chercher le cadeau qu'elle avait acheté à son ami.

Même si elle passait beaucoup de temps avec lui et avait l'impression de le connaître depuis longtemps, elle avait eu du mal à lui trouver un cadeau. Elle avait fait plusieurs boutiques, regardé plusieurs sites internet pour des cadeaux en lignes et avait réfléchi longuement. Finalement, toutes ces recherches et certaines conversations anodines lui avaient permis de faire un cadeau composé de diverses choses. Pour le délire, elle avait commandé un mug personnalisé avec une photo d'eux sur laquelle ils faisaient les idiots. Elle avait glissé à l'intérieur de celle-ci des petits chocolats dont Emilien raffolait. Elle avait ensuite pris une belle chemise de marque qu'il avait repérée lorsqu'ils avaient fait du shopping ensemble. Pour finir, elle avait pu obtenir deux places de concert pour un groupe qu'il venait de découvrir et qu'il appréciait, qui allait venir prochainement à Mystic Falls. Il lui en avait parlé il y a peu de temps et tout de suite, les rouages de son esprit s'étaient mis en mouvement, voyant là une idée de cadeau. Pour lui qui aimait faire la fête et les ambiances festives, cela devrait lui plaire, tout du moins elle l'espérait.
Elle avait un peu dépassé le budget qu'elle s'était fixée mais peu importait, elle espérait lui faire plaisir et n'avait pas su se stopper alors que plusieurs idées étaient finalement venues jusqu'à elle.

Après avoir cherché le cadeau d'Emilien sous le sapin, elle s'installa à ses côtés sur le canapé.

« Joyeux Noël !» lui dit-il en lui donnant son cadeau.

« Merci beaucoup, joyeux Noël à toi aussi ! » répondit-elle en lui donnant son paquet. « Tu sais, tu n'étais pas obligé de m'offrir quelque chose. Ton invitation était déjà un cadeau pour moi. »

Il était seul à assumer de nombreuses dépenses. Elle ne voulait pas qu'il fragilise son budget temporairement, même si sans aucun doute, lui offrir un présent lui faisait plaisir.
Le sorcière sourit en déballant délicatement l'emballage de la boîte qu'elle tenait. Elle l'ouvrit doucement, comme si cette boîte était vivante et qu'elle ne souhaitait pas la blesser. L'admiration prit place sur son visage.

« Oh, j'adore, il est vraiment magnifique ! Merci beaucoup ! Tu as parfaitement bien choisi. Je suis vraiment gênée. Mes cadeaux ne me semblent pas terribles à côté...»

Elle se pinça brièvement les lèvres, avant de reprendre contenance.

« Peux-tu me le mettre s'il te plaît ? » lui demanda-t-elle avant de se tourner et de dégager ses cheveux pour qu'il puisse s'exécuter.

Elle le mettrait très probablement quotidiennement, sauf lors de ses entraînements pour éviter de l'abîmer. Elle allait en prendre le plus grand soin. Elle y tenait déjà comme à la prunelle de ses yeux ; parce qu'il était effectivement magnifique, mais aussi parce qu'il venait de cet être qui lui était si cher.

Même si elle connaissait Emilien depuis peu en comparaison avec d'autres de ses amis, June passait un meilleur moment que dans sa famille. Sans nul doute que si Casey était toujours présente, son ressenti serait différent, quoique. Elle aurait passé un aussi bon moment avec le jeune homme qu'avec sa famille, sans que l'un ne prenne le pas sur l'autre. June pouvait parfois s'attacher vite, c'est vrai, mais rarement, pour ne pas dire jamais, elle avait ressenti une telle complicité, elle avait fait aussi facilement confiance en un laps de temps aussi réduit. Cette impression de connaître Emilien depuis des années, alors que cela ne faisait que des mois. Elle ne se l'expliquait pas. C'était cela, le « feeling », même si leur amitié dépassait de loin ce simple mot. D'amitié, il n'en restait que la croyance d'ailleurs. Car au fond d'elle, la brune commençait à ressentir quelque chose, qu'elle confondait avec le bien-être qui la submergeait lorsqu'elle était à ses côtés, avec cette complicité qui les unissait. Les mêmes délires, des goûts en commun, mais aussi des divergences, enrichissant davantage encore ce lien.

Le repas se termina dans la bonne humeur. Vint ensuite la distribution des cadeaux. Le moment magique de Noël pour les enfants. Avec le recul, il était vrai qu'avec un regard d'enfant ou un regard d'adulte, la vision de Noël différait. Adulte, on se focalisait davantage sur les temps partagés en famille. Enfant, on attendait avec plus d'impatience l'ouverture des cadeaux. Même si elle pouvait passer de merveilleux moments, et sans regrets aucun, elle devait bien admettre qu'en grandissant, la magie de Noël s'était quelque peu estompée. Tout du moins, elle vivait ces fêtes différemment. Il n'empêche qu'elle adorait cette période et qu'elle s'émerveillait toujours autant en observant les décorations au centre-ville. Mais ce n'était tout de même plus pareil, elle n'avait cependant rien à regretter.

Emilien lui tendit un paquet joliment emballé. Elle en fut presque gênée, peut-être parce qu'elle savait que financièrement, cela était compliqué il y a encore quelque temps pour lui. Elle avait été sincère en expliquant que son invitation aurait suffi. Elle n'avait besoin que de sa présence, rien de plus.

« Et puis quoi encore ? La tradition veut qu’on s’offre des cadeaux je n’allais pas survoler la tradition. » dit-il en levant les yeux au ciel.

June ne put s'empêcher de le taquiner.

« Il y a beaucoup de choses que tu semblais ignorer, alors il n'aurait pas été surprenant que tu ignores cette tradition. »

Elle lui adressa un sourire taquin. Après lui avoir donné son cadeau, elle déballa le sien avec une grande délicatesse. Elle découvrit une petite boîte, qu'elle ouvrit tout aussi doucement, qui laissa apparaître un magnifique collier. Son regard traduisit son émerveillement. C'était sans conteste le plus beau présent qu'elle avait reçu, même si elle ne le dirait pas en ces termes. Elle demanda à son ami de lui mettre sans plus tarder. Ce bijou pouvait s'accorder avec n'importe quel vêtement, n'importe quelle couleur. Il était parfait. Si parfait qu'elle se sentit gênée par les cadeaux qu'elle avait achetés, estimant qu'ils ne seraient pas à la hauteur du sien. Le jeune homme chercha à la rassurer, mais ce ne fut que lorsqu'il ouvrit l'emballage et qu'il sembla réellement satisfait qu'elle se sentit soulagée.

« Je me répète mais tu as très bien choisi. »

Un sourire se dessina sur son visage lorsqu'il fit part de sa satisfaction.

« Tout est parfait, je n’ai rien à redire. La tasse sera utilisée encore et encore me donnant le sourire lorsque je l’aurai devant moi. » dit-il en observant la tasse. « Tu as choisi celle que j’aimais beaucoup, tu sais que j’ai hésité à aller la chercher pour pouvoir la mettre aujourd’hui mais j’ai bien fait finalement. »

« Oui j'avais vraiment peur que tu sois allé l'acheter, au pire elle était échangeable mais ça m'aurait embêtée. Je suis contente en tout cas que tu ne l'aies pas prise. Et que mes cadeaux te plaisent. »

Le jeune homme attrapa ensuite les deux billets et en tendit un à June.

« Tu te doutes bien que je vais y aller avec toi, tout du moins si ça t’intéresse. » proposa-t-il.

Bien sûr que cela l'intéressait, davantage pour passer du temps avec lui que par intérêt pour ce groupe, quoique l'ambiance d'un concert pouvait être très entraînante même si la musique entendue n'était pas de son style. Dans tous les cas, cela ne l'aurait pas vexé s'il était allé avec l'un de ses amis. Avec l'une de ses amies par contre... Sans doute aurait-elle mal réagi, en particulier si cela avait été avec Leonora. Mais elle n'y pensait pas un seul instant, car ce n'était pas ce qui allait se passer.

« Merci beaucoup de m'inviter du coup, bien sûr que ça m'intéresse ! J'ai envie d'entendre à nouveau tes supers talents de chanteur, comme au karaoké de l'autre fois. » se moqua-t-elle amicalement.

Elle se mit à rire en repensant à la scène et commença à l'imiter.

« Même en voulant me moquer de toi, je chante mieux que toi ! » pouffa-t-elle.

Il fallait dire que June avait une très jolie voix et chantait presque aussi bien qu'elle ne dansait. Elle appréciait beaucoup le karaoké d'ailleurs, même si bien souvent ce genre de soirée était plutôt l'occasion de déconner entre amis, alors elle ne chantait pas avec sérieux.

Après avoir découvert leur cadeau respectif, ils continuèrent à échanger de tout et de rien, regardèrent un film romantique de Noël, un peu cul-cul mais amusant, et jouèrent à quelques jeux de société. Au grand dam de June, la journée passa vite, trop vite, et vint le moment pour les deux jeunes gens de se séparer. Et même s'ils allaient se revoir dans quelques jours, June sentit un pincement au cœur.

« Merci beaucoup pour tout, j'ai vraiment passé une superbe journée. Merci également encore pour le cadeau, tu n'as pas idée à quel point je l'adore. À bientôt j'espère. »

Avant de partir et avec une légère hésitation, elle le prit dans ses bras quelques secondes, en guise d'au-revoir. La sorcière pouvait se montrer tactile avec ses proches, alors il n'y avait pas de message caché dans ce geste, tout du moins pas consciemment. Un dernier regard et un sourire, avant qu'elle ne s'éclipse dans la nuit.