Le centaure et la peintre [Mia]

Halloween n'était pas une fête que Mia appréciait énormément. Si d'autres discutaient déjà de la fête qui allait avoir lieu, la vampire préférait largement s'occuper de sa peinture. Si elle devait opter pour une fête ayant un sens plus profond, c'est le jour des morts ou Día de los Muertos. Mi se souvient encore de ces passages au Mexique à apprécier les couleurs et la joie qui découlait de cet événement. Un jour où l'on croit dur comme fer que les êtres chers qui nous ont quitté reviennent pour voir les vivants. Offrandes en tout genre et un autel garni avec la photo des chers disparus. Pour Mia, il n'y a plus belle signification. Halloween n'est qu'un non-sens pour la jeune femme. Alors, elle n'allait certainement pas adhérer à cette fête et encore moins y participer. À chaque fois qu'on lui demandait quel déguisement elle allait mettre, celle-ci répondait simplement qu'elle est déjà un monstre tout au long de l'année alors, elle opte pour celle d'un être humain en somme banal.

Attention réservée exclusivement à son art, elle noircissait sa grande feuille d'une mère allaitant son enfant. Si la mère restait cachée au regard des autres, le bébé lui, était détaillé. En somme, ce n'est qu'une image de son propre passé. La femme étant Mia et le bébé, son adorable garçon qu'elle n'a pu que voir grandir de loin. Pour Mia, il n'y a pas eu pire torture que de voir les siens se faire à une vie sans elle alors qu'elle se trouvait juste sous leurs yeux, prisonnière d'un être qui la maintenait sous sa coupe en menaçant la famille de Mia. La vampire avait accepté l'éternel baiser pour sauver son fils, mais aussi pour avoir plus de temps pour découvrir des origines qui, au final, ne lui laissent qu'un goût de grande amertume. Tant de temps gâché pour si peu de satisfaction.

Le regard rivé sur le bébé, Mia continue d'agiter avec douceur son crayon dissimulant au plus profond de son être, la mélancolie et la nostalgie qui poignardent son cœur. Il y a des jours où la vampire se cache pour pleurer son époux et son fils. Si ce fut un mariage arrangé, elle a profondément aimé son époux avec qui elle pouvait converser de tout, ce dernier aimant l'esprit si aiguisé de sa jeune épouse bien loin de toutes les femmes qui ne souciaient que de leur apparence. Pour le peu que son union ait duré, il fut heureux. Tout comme son histoire avec Elijah le fut. Éphémère certes, mais vrai et forte pour le temps que cela a duré. Si le nom des Mikaelson fut un cauchemar pour certains, pour Mia, ce fut différent. Vampire bien loin de pratiquer les plaisirs des petites guerres des uns avec les autres, elle ne se souciait que de ne pas plonger dans ce défaut de plaisir du sang. Incontrôlable et monstrueuse, héritage affreux de celui qui l'a créé.

《- C'est ravissant mon enfant, je suis toujours admiratif devant votre immense talent.》

Levant la tête, son regard croise celui du professeur de Divination. Esquissant un sourire, la jeune femme porte à nouveau son regard sur son dessin. << Merci professeur, c'est gentil. >> Elle observe autour d'elle et se trouve loin de ce qui se prépare. << J'avais pas vu que le réfectoire s'est autant rempli… >> Elle regarde l'heure affichée sur l'horloge. << Je crois que je me suis laissée emporter par mon dessin. En même temps, je ne suis pas très intéressée par ce qu'il se passe. Je n'aime pas du tout Halloween. >> Au bout de 436 ans d'existence, on finit par se lasser de certaines choses. Si Mia adorait Noël pour l'ambiance et cette magie très simple, elle ne pouvait pas adhérer à l'effervescence d'Halloween. Non très peu pour elle. << Vous allez participer à la fête vous aussi ? >> Elle le regarde à nouveau. << J'imagine que oui, par simple curiosité, je crois que c'est la première fois pour vous d'assister à cette fête. >> Elle sourit. << Mais si vous voulez mon avis, Día de los Muertos est bien plus belle tant par sa signification, mais aussi de comment les gens la fête. Vous devriez voir ça au moins une fois dans votre vie. >>

《- C'est sincère miss Castro, vous avez de l'or dans les doigts.》

Esquissant un sourire, Mia observe le portrait qu'elle faisait. Elle, mais dissimulant son visage tenant ce petit être à qui elle a donné la vie et qu'elle a dû voir mourir alors que la jeune femme avait encore ce corps jeune. Mais morte d'une certaine façon. La mise en terre fut si horrible pour Mia, qu'elle a passé quelques temps sans émotions. C'était plus facile à supporter la mort de son bébé. Celui qu'elle a dû voir grandir de loin sous les menaces répétées de celui qui a créé Mia. Il lui arrive pas moment de sentir encore les mouvements que son fils a pu faire lorsqu'il se trouvait encore dans son ventre. De cette joie intense qu'elle a ressenti en sachant que la vie grandissait et bougeait en elle. Mais en même temps, une certaine forme de colère et de tristesse prenaient vie dans son esprit en repensant à cette femme qui l'avait abandonné. Oh, bien sûr, à l'époque, Mia donnait encore une chance, une raison quelconque à Rose d'avoir fait ce geste. Mais maintenant qu'elle la connaissait, il était impossible pour Mia d'être objective. Et depuis peu, même son père la décevait. À croire que les gens ne pouvaient qu'être source de déception. En qui croire de nos jours ? Même cette école lui paraissait à présent fade et sans goût. Sans importance. Sans envie de faire autre chose que de s'échapper, de cesser tous liens.

<< J'ai passé des siècles à travailler mon art, mais je continue d'apprendre encore. L'art s'améliore, change et connaît de multiples mouvements. Je ne peux pas dire que tous m'impactent, mais je ne les rejette pas non plus. >> Finit-elle par avouer alors qu'elle détaillait un peu plus l'enfant que la mère porte.

《- Vous avez tout à fait raison il s'agit de mon tout premier Halloween, je vous avoue que je n'ai aucune idée de la façon dont je vais fêter ceci. Peut-être vais-je passer au centre commercial pour remplir mon stock de bonbons pour les enfants qui passerait et lire quelques livres de vampires comme Carmilla où Dracula bien au chaud sous la couette après le bal.》

<< De nos jours, la coutume, c'est de faire des soirées films d'horreurs, un bal d'halloween et bien d'autres… Mais on dirait que l'école va faire ça par un bal. >> Ridicule et sans saveur pour la vampire qui ne va pas adhérer à cette stupidité. Elle restera sans doute dans sa chambre, à peindre jusqu'à en avoir assez. C'est plus créatif et à son goût qu'une fête qui s'est dégradée avec le temps. << Autrefois, on se déguisait pour échapper aux démons et aux créatures. Aujourd'hui, ce n'est plus que du commerce, rien de plus malheureusement. Avec le temps, la plupart perde toute signification. C'est bien triste. >>

La fête des morts au Mexique. Voilà quelque chose de plus merveilleux et de significatif. De coloré aussi. Les couleurs sont si vives et magnifiques qu'elle magnifie la mort malgré les pertes. Ce jour est une façon de se complaire dans une certaine joie et un soulagement léger que de savoir que les êtres qui ont trépassé viennent afin de voir comment se portent les vivants.

《- Peut-être bien, mais laissez-moi tout d'abord découvrir Halloween et Noël, ne brûlons pas les étapes.》

<< Oui, vous avez raison… Vous avez encore bien des choses à découvrir et je pense que cela vous surprendra toujours. >>

《- Et vous, avez-vous des idées de programme pour la nuit du 31 octobre ? Mis à part remplir votre cellier de douces sucreries pour nos petites fripouilles ?》

<< Oula, désolé de vous décevoir professeur. Mais je n'aime pas cette fête. Il n'y aura donc pas de sucreries chez moi. Je vais rester dans ma chambre à peindre. Comme je vous l'ai dit, je n'adhère qu'à la Dia de los Muertos. Ce n'est que là, que je fêterais comme il se doit. En attendant, je laisse les peurs, sucreries et autres mauvaises blagues aux autres. >> Pourtant, on l'a invité à la soirée, mais Mia a refusé. Encore. Non, elle ne risque ni de s'amuser, ni d'être d'une compagnie agréable. << De toute manière, je n'ai pas le cœur à m'amuser. >> Pourtant, elle l'a fait à une époque avec les Mikaelson, mais cela reste lointain, rare et Elijah savait comment la faire sourire pour lui faire apprécier suffisamment la fête pour que la vampire ne soit pas de mauvaise humeur. << Et vous ? Quel déguisement allez-vous adopter pour la fête, professeur Galanis ? >>

《- L'Art est comme les êtres et les choses, il bouge constamment, la vie est un éternel apprentissage, un recommencement infini.》

<< L'art, c'est aussi une façon de figer quelque chose dans le temps. >> Mia peint pour se rassurer que sa mémoire n'oublie pas ce qu'elle a pu voir et vivre au gré des années. Sa vie en tant qu'humaine, mais aussi ces quelques rencontres qu'elle a pu faire en tant que vampires. Des êtres ont marqué sa vie comme jamais. Des êtres qui ont su la rassurer. Des êtres qui ne sont plus désormais. Elle s'en veut parfois de ne pas être revenue vers eux, trop obnubilé par ses recherches. Même si les Mikaelson étaient les êtres dont il valait mieux se méfier, pour Mia, ils ont été importants. Surtout Elijah, même si au final, leur relation n'a duré qu'un temps. Bien sûr, elle a été heureuse pour lui quand elle a su qu'il a pu aimer à nouveau. C'était tout ce qu'elle a pu lui souhaiter. On ne peut pas vivre sans amour, c'est ce qu'elle a toujours dit même si Klaus se moquait d'elle à cette époque. Il n'a jamais été très facile à saisir, souvent impitoyable dans ces faits et gestes, mais d'une certaine manière quand on savait comment le prendre, on pouvait compter sur lui. De plus, la vampire a appris tellement de choses sur l'évolution de Klaus et d'Elijah avec le temps. De quoi la surprendre et la rassurer en même temps.

《- Halloween ne fait pas parti de ma culture et je ne vais pas vous jeter la pierre car vous n'aimez pas cette fête, ne vous inquiétez pas pour celà miss De Castro. Pour ce qui est du déguisement, je vous avoue que je n'y ai pas encore pensé ! 》

<< J'imagine que vous êtes curieux. Après tout, vous avez passé tellement de temps dans le Malivor que vous avez encore un tas de choses à découvrir encore. >> Rien n'est fini pour lui, tout commence au contraire. Il sera sans doute émerveillé par la magie qui entoure Noël. Les décorations sans compter les musiques. Choses qui ont le don d'apaiser Mia depuis bien des années.

《- Peut-être un zombie, où une momie, je ne sais pas encore. Et pourquoi donc n'avez-vous pas le coeur à vous amuser chère enfant ?》

<< Oh je vois… >> Des déguisements qui ont toujours été récurrents durant la fête d'Halloween. Malheureusement, la jeune femme ne peut pas être d'une grande aide n'étant pas fan de cette fête. Elle se garde bien d'en avoir des idées.

Si le ton était léger, Chiron a bien saisi au vol la détresse de la vampire. Mais que dire ? Le manque de son époux et son fils ? Ou encore à quel point, elle est déçu par les retrouvailles avec sa mère et son père biologique. La vampire aurait dû se garder de vouloir connaître ses origines. Il aurait été mieux de rester avec les souvenirs des parents qui l'ont recueilli et grandi au sein de leur famille même si ses frères d'adoptions ont ressenti bien plus que de la simple tendresse envers elle. Des sentiments que la jeune femme a fui pour un mariage arrangé qui s'est avéré bien plus agréable qu'elle ne l'aurait cru. Mia regarde son dessin apportant un peu plus de détails sur le bébé. Ce bébé qu'elle a porté durant neuf mois avant de le mettre au monde et de le voir grandir puis arracher à nouveau. << J'ai le cœur et l'esprit prisonniers du passé… Mon passé en tant qu'humaine. Beaucoup de choses me manquent… >> Commença-t-elle avant de regarder autour d'elle. Les élèves étaient en groupe trop ancrés dans leur conversation pour la fête à venir. << J'étais véritablement heureuse avant… Heureuse et complète. J'avais un mari… Et un fils. >> Du bout des doigts, elle caresse le visage du bébé sur le papier. << C'est à peu près à cette période de l'année que les choses ont changé pour moi. Alors, ce n'est pas la période la plus appréciée du calendrier pour moi. >> Elle contient les larmes, trop pudique pour se laisser aller comme ça devant tant de personnes. << C'est pour ça que je préfère rester dans ma chambre à Halloween. Je peins les souvenirs qui me reviennent avec mon époux et mon petit garçon. C'est ma façon de ne pas oublier la façon dont ils pouvaient sourire ou regarder le monde. Même si je peine parfois à ne plus savoir comment était le son de leur voix. >> Elle pose son crayon. << Ce n'est guère joyeux, n'est-ce pas ? >> Elle lève les yeux vers le professeur. << Ne prenez pas cet air. Je me sens déjà très chanceuse de pouvoir me rappeler en détail du visage de mon époux et de mon fils. Le temps m'a beaucoup pris, mais pas l'essentiel. >>

Mia souffre. Souffre comme la mère qu'elle n'a jamais cessé d'être. En colère contre ce vampire qui l'a arraché à cette vie si parfaite à son regard. Mais elle s'en voulait également de s'être laissée manipuler tout cela pour connaître ses origines. Les mystères entourant sa naissance n'ont fait que l'accompagner tout au long de son existence même si les parents qui l'ont élevé n'ont jamais fait aucune différence entre les fils biologiques et Mia. Mais elle devait savoir et en avait besoin. Si à cette époque son mari a su calmer ce chagrin qui n'a eu de cesse d'accompagner Mia comblant le manque avec tout ce qu'il a pu lui offrir et lui enseigner. Mais son fils… Oui, son Angelo a su remplir tout le reste et bien plus encore de sa présence. Jamais Mia n'aurait pensé que devenir mère serait ce qui la rapprocherait le plus du paradis. L'allaiter était leur moment à tous les deux. Elle ne vivait que pour son enfant et son époux. Beaucoup l'enviait autant qu'on pouvait la jalouser. Mais Mia jouait les aveugles parce qu'elle ne voyait pas l'intérêt de s'intéresser à des êtres qui n'en valaient pas la peine. Perte de temps inutile selon elle.

Même si la vampire faisait toujours des dessins de son défunt époux et de son fils pour ne pas oublier. Cette époque de l'année ne lui apportait qu'un puits sans fond de chagrin et de souffrance. Pire des poisons qui pouvaient la rendre folle. Alors, oui, le temps n'était pas à la fête pour elle. Qu'est-ce qu'halloween pouvait lui apporter de si palpitant ? Celle-ci ne se trouvait pas dans l'effervescence qui régnait dans le réfectoire. Bonbons, fêtes et frayeurs. Très peu pour elle, Mia en a déjà eu son lot durant son éternité et cela ne s'arrêtait pas là. Par contre, la jeune femme s'impatientait de pouvoir fêter le jour des Morts tout comme au Mexique, une fête bien plus à sa mesure. Honneur aux morts pour ne pas les oublier. Et au fond, elle n'avait besoin que de cela.

《- Lorsque les corps ne sont plus, les souvenirs sont essentiels pour garder nos proches auprès de nous, n'est-ce pas ?》

<< Oui… C'est même essentiel pour vivre un deuil qui n'en finit jamais. >> Tant d'erreurs au niveau des choix. Mia ne les compte plus. Même lorsqu'elle fut avec Elijah, elle ne pouvait pas oublier son défunt époux et son fils. Oui, elle a aimé l'originel, mais son coeur restait partagé. Réconfort d'un instant pour l'un et l'autre avant que les routes ne se séparent.

《- Tant que vos souvenirs ne meurent pas, votre fils et votre mari seront toujours là.》

Sourire léger sur les lèvres, Mia lève la tête vers le professeur Galanis. << Ils ne m'ont jamais quitté… Qu'importe les siècles qui se sont écoulés, professeur. Le véritable amour ne s'éteint jamais dans le temps. Il reste toujours aussi fort. On peut aimer à nouveau, mais on n'oublie jamais la première fois qu'on a aimé. Et mon amour pour mon fils et mon mari a toujours été très fort. J'ai eu de la chance dans mon humanité… Mais pas toujours dans mon immortalité… >> Elle ne sait pas pourquoi, mais Mia a l'impression qu'elle doit se faire pardonner de bien des erreurs. Les choix n'ont pas toujours les meilleurs. Une part d'elle se rassure en se disant que c'est normal de ne pas toujours faire les choses comme il le faut. Mais certains ont eu un impact conséquent. Elle finit par réunir ses affaires. << Et si nous nous éloignons de tout ce brouhaha ? Je pourrais vous montrer ce que j'ai fait dans la salle d'art plastique ? J'y passe tout mon temps libre ces derniers temps. >>

《Vous avez raison, quoique certaines personnes ne pourront plus ouvrir leur coeur à quelqu'un d'autre par peur de trahir son premier amour.》

Mia peut comprendre son point de vue et le respect, mais ne pense pas tout à fait pareil. La vampire a aimé après son époux. Elle considère que dans la vie, qu'elle soit plus longue ou plus courte, le sentiment d'amour reste là et nous emprisonne pour soigner un mal qui serpente les veines comme un venin douloureux et malicieux acquis d'une morsure d'un serpent bien taquin et sadique. Si l'on regarde certains dessins ou tableaux de la vampire, on peut toujours voir un thème proche de la tendresse et de l'amour. Klaus appréciait beaucoup cette part de la jeune femme qu'il trouvait encore si naïve, si enfantine. Mais ô combien rafraîchissante pour un originel de son accabit. De plus, Klaus a compris pourquoi Elijah s'était entiché de Mia. Son innocence et sa tendresse. Bien que son histoire avec l'originel fut courte, elle a été importante pour Mia. Elijah l'a aidé en bien des aspects et quand elle pense à lui, c'est de la tendresse et du respect qui lui viennent en tête.

<< Je ne pense pas ainsi personnellement… Il y a plusieurs sortes d'amours. Différentes façons d'aimer. L'amour est aussi nécessaire que l'air pour respirer. Il nous permet de nous faire sentir vivants, de rencontrer des êtres qui peuvent nous apporter quelque chose. Que ce soit en bien ou en mal… L'amour est autant un bien qu'un mal nécessaire. >> Elle le regarde. << Mon époux dirait que… Qu'aimer à nouveau n'est pas une trahison, mais une ode à l'amour qui a été connu et que l'on garde précieusement en soi. >> Ignazio était ainsi. Il a aimé après elle. Bien que ce fut douloureux au début, cela a soulagé Mia de savoir son fils aimé et protégé par la nouvelle époux de son père. Mia était rassurée de savoir les siens entre de bonne main. Carnet de croquis près de sa poitrine comme si elle tenait son enfant, Mia quitte doucement la salle. << Je parle en connaissance de cause… Après être devenue vampire, j'ai été heureuse de savoir que mon mari a pu aimer à nouveau… Mais plus que tout, de voir mon enfant entre les mains d'une femme aimante. Douloureux au début, je ne le cache pas. Mais j'ai pu être rassuré par la suite. >> La consolation d'une éternité se gagne pour soulager ceux qui ne peuvent plus revenir dans leur vie d'avant. Mia ne le pouvait pas à cause de Tiberio, l'être infâme qui a fait d'être une vampire.

《- Je vous suis avec un immense plaisir, miss ! J'aurais grand plaisir à contempler un plus large échantillon de votre talent !》

Sourire aux lèvres, Mia le conduit donc vers la salle où elle peint la plupart du temps même s'il y a également des affaires dans sa chambre pour les moments où elle a ce besoin quasi vital de s'enfermer du monde pour se centrer sur elle-même. Poussant la porte de la salle, elle allume la lumière et invite Chiron à entrer. << Ce n'est qu'une partie de ce que j'ai fait ces derniers temps. Beaucoup de paysages surtout… Présent ou passé. >> Elle pose son carnet de croquis. << C'est mon époux avec mon fils… Ignazio était un homme bien… Mon premier amour… J'ai la chance d'avoir vécu un mariage arrangé qui m'a rendu très heureuse. >> Le regard sur le tableau, la jeune femme se souvient d'être aller sur son lit de mort et d'avoir vu le regard d'Ignazio s'illuminer et sourire. Si la vieillesse lui a fait perdre un peu la mémoire, Mia lui a rendu les souvenirs vécus avec elle. Avec lui, Mia l'a accompagné dans sa mort avant de disparaître. Sans doute, a-t-il pensé à un ange venu le chercher alors qu'elle se trouvait bien réelle et ne l'ayant jamais quitté leur fils et lui. << Pardon… Je me suis perdue dans mes souvenirs. >> Elle le regarde. << Mais je vous en prie, regardez donc. >>

Peindre pour ne pas oublier. Peindre pour vivre à nouveau ces sentiments qui ont éclairés la vie de la vampire. Se souvenir du meilleur alors que la douleur se trouve dans son cœur depuis tellement d'années. Mia n'a plus que cela pour se souvenir du visage de son fils et de celui de son tendre mari. Elle peint ceux qu'elle a aimé. Ce qu'elle aime. Elle fait voir à travers son regard et cette palette de couleurs que la jeune femme sélectionne avec minutie. Du sombre au plus clair de son humeur. Celle-ci vacille comme la flamme d'une bougie. Il suffit d'un rien pour l'éteindre ou la raviver pour ne rien perdre de ce qu'elle peut créer du bout de ses doigts.

Mia offre la vision de ses œuvres alors que la vampire allume la lumière. Elle offre sa vie au regard du centaure. Créature venue tout droit du Malivore perdu dans une époque qui le dépasse. Si Mia a pu s'y faire au fur et à mesure, Chiron doit apprendre pour ne pas sombrer. Elle se perd sur la peinture de son époux. Si beau dans son apparence. Être handicapé de cette jambe qui lui faisait défaut ne l'a jamais empêché d'être beau au regard de Mia. Cela l'a rendu unique aux yeux de la vampire. Il a nourri le savoir et la curiosité de son épouse sans la faire taire dans les élans philosophiques qu'elle pouvait avoir. Si d'autres auraient fait taire leurs épouses, Ignazio n'en tombait que plus amoureux encore dévorant les paroles de Mia. La vampire revoit encore les yeux clairs de son mari posés sur elle. Il savait la faire rougir. Couple atypique d'une épouse intelligente et d'un mari pouvant prendre le rôle que sa femme aurait dû avoir auprès de leur enfant. Il aimait ne pas faire comme les autres. Il aimait se démarquer donnant une morale sans prononcer un seul mot.

《- Votre talent me laisse sans voix, toutes ces palettes de couleurs.Ignazio semblait effectivement être un homme bien, et aimant si j'en crois ce regard profond.》

<< Vous l'auriez aimé… Lui aussi aimé philosopher et encourager les gens à être curieux de tout. Il m'a aidé à ne pas avoir honte de mon intelligence. Il adorait au contraire passer des soirées auprès du feu avec moi où nous discutions du monde, des gens, de la vie elle-même. >> Elle s'avance vers la peinture. << C'était un homme merveilleux très en avance sur son temps. >> Combien de fois n'avait-il pas dit à Mia qu'il était fou d'elle. Jamais il n'a trahi en allant voir ailleurs.

Une autre peinture est là montrant le portrait des deux frères Mikaelson. Oui, Mia ne veut pas les oublier non plus. Ils ont eu une importance dans l'existence de la vampire. Elijah a été un autre passage amoureux dans son immortel existence. Il lui a beaucoup appris. Klaus, dans sa façon d'être lui a enseigné à être plus forte, plus fière de sa part de vampire. Mais la vampire a été ravi de savoir que la paternité lui ait offert la sérénité. << Peut-être pourrais-je faire votre portrait si vous le voulez bien. >> Elle le regarde. << Les palettes, je les choisis en fonction de ce que m'inspire ce que je peins. Qui sait ce que vous pourrez m'inspirer ? Nous pourrions essayer, qu'en pensez-vous ? >>

Il n'y a que douceur sur le visage de Mia lorsqu'elle mentionne son défunt époux. Malgré le temps, son amour ne dépérissait pas. Même si elle a continué à aimer après lui, on ne peut pas oublier l'être qui a fait battre son cœur pour la toute première fois. Ignazio a su lui offrir tellement de choses, mais surtout la joie de pouvoir être maman. Il est vrai que ce fut trop éphémère pour la vampire, mais les souvenirs sont bien là encombrants délicieusement son esprit. Le verbe, aimer, a pris un sens véritable lorsqu'elle a tenu pour la première fois son fils. Si sa vie n'aurait pas pris un tel tournant, certainement que la jeune femme aurait eu encore d'autres enfants. Quatre êtres en pleine santé et qui auraient fait son bonheur. Un sourire rêveur apparaît sur les lippes charmantes de la vampire alors qu'elle observait le portait de son mari tenant leur enfant contre lui. Il a été un bon père, même après la "mort" de Mia. Il y a fallu aller de l'avant et les mœurs de leur époque à pousser Ignazio à se remarier. Mia a souffert, mais la consolation de voir la nouvelle épouse si tendre avec son fils a su lui faire supporter tout cela.

《- Tout comme Chariclo était une femme-cheval exceptionnelle, je suis certain que vous vous seriez bien entendus toutes les deux. C'était une centauresse incroyable et aussi très en avance sur l'antiquité grecque, très sensée. Elle m'a toujours confier qu'elle désirait un mariage d'amour, pas une union arrangée et elle était contre cette pratique. Elle était destinée à s'unir au guerrier Euripide, qu'elle n'a jamais aimé et qu'elle repoussait. Sachez que chez les créatures comme chez les humains c'était la norme aussi. Je suis heureux de savoir que vous avez pu trouver le bonheur dans votre vie et que votre union arrangée s'est bien passée.》

<< Je peux encore sentir l'amour que vous avez pour elle. >> C'était même une évidence pour la vampire. Il fallait être aveugle et dénué d'émotions pour ne pas comprendre cela. Souriant avec douceur, Mia prépare une nouvelle toile sur le chevalet. << Et je suis heureuse que vous ayez pu aimé et être aimé en retour. J'imagine très aisément à quel point cela doit être encore dur pour vous de ne plus l'avoir à vos côtés. Il n'y a pas un jour qui ne passe sans que je ne ressente le manque de mon mari et mon fils. >> Ce qui pourrait être assez étonnant quand on sait que la vampire est prête à aimer encore. Mourir sans aimer à nouveau, il n'y avait pas pire sort. Et puis ce n'est pas comme si elle trahissait Ignazio. Ils ont convenu l'un et l'autre de ne pas se fermer à l'amour s'il devait arriver quelque chose à l'un d'entre eux. Son époux a continué alors, Mia se doit de faire autant. << J'ai eu beaucoup de chance… Mais mes parents n'auraient jamais offert ma main à un homme bourru et violent. >>

Prenant une profonde inspiration, la vampire esquisse un sourire changeant de sujet pour quelque chose de plus heureux et doux. Elle avait fait cette demande parce qu'elle éprouvait le besoin de le dessiner.

《- C'est un immense honneur que de prêter mon corps à votre talent. Laissez parler vos doigts, et vos couleurs même si elles sont fantasques. Dites-moi dans quelle position voulez-vous que je me mette pour que vous ayez un bon rendu ? De profil où de face ?》

<< C'est plutôt moi qui suis honorée de pouvoir dessiner le maître de bien des héros. >> S'installant sur son tabouret, elle pose son regard sur lui. << Mettez-vous surtout à votre aise, mon esprit fera le reste. >> L'expérience de ces dernières années lui permettent de connaître les corps facilement. << Je vais dessiner le Chiron que je vois. >> Elle prend un crayon. << D'ailleurs, vous devez avoir bien des choses à raconter sur vos élèves, j'imagine que l'éducation de cette époque doit vous dépasser encore. Moi, j'ai pu m'y faire à travers le temps, mais pour vous, c'est différent. D'ailleurs, je suis curieuse d'avoir votre avis sur le système d'éducation actuel. >> Demande-t-elle curieuse alors qu'elle commence à dessiner.

《- Oh oui, mon enfant et je comprends ce que vous ressentez, plus que vous ne pouvez l'imaginer. 》

La comprendre ? Bien sûr que Chiron le pouvait. Après tout, lui aussi souffrait de la perte des siens. Si Mia a eu la chance d'avoir le temps de faire un deuil, tout du moins le subir sans pour autant toujours l'accepter, le centaure est revenu dans ce siècle en apprenant que tous ceux qu'il a pu connaître ne sont plus. Pire encore, lorsque le Malivore l'a emprisonné, il a été de la mémoire des siens. Qu'est-ce que cela a dû être pour son épouse et sa fille, de ne plus savoir qui il était pour elles. C'est une sentence bien horrible, un sort qu'elle ne pouvait pas envier même si parfois, elle y pensait. Est-ce que les choses auraient été plus simples ? Si la question effleure son esprit, celle-ci s'efface en revoyant les visages des siens, mais aussi des Mikaelson qui l'avaient bien aidé même si cela n'a pas toujours été facile avec les humeurs de Klaus.

Installée sur le tabouret, la vampire laisse le centaure se positionner comme il le souhaite. La jeune femme saura comment le mettre en valeur, cela prendra du temps pour faire ce qu'elle voulait, mais au moins, le centaure avait accepté de lui servir de modèle.

《- À l'époque les enfants étaient obligés de mûrir plus rapidement, les exercices étaient beaucoup plus âpres que maintenant, plus rudes pour leur permettre de se forger un physique d'acier et un mental solide mais aussi de révéler totalement leur haut potentiel, y mordre à belle dents. Je ne crois pas que l'on m'autorise en l'an 2031 de nourrir mes disciples avec des entrailles de lions, de sangliers, de la moelle de louves et d'ours ni qu'on me laisserais les faire combattre des prédateurs à main nue où chasser. Les temps changent et il faut adapter l'enseignement à cette époque.》

Mia stoppe le mouvement de sa main en esquissant un sourire. << Effectivement, je ne pense pas que l'on puisse vous permettre cela. Déjà de mon temps, c'était différent, l'enseignement était plus accessible aux hommes. Les femmes n'avaient que les bases ensuite, elles devaient apprendre à être de bonnes hôtesses et des épouses modèles auprès de leur mère. Tout du moins parmi les gens riches pour les gens plus pauvres, c'était le travail qui les attendait. >> Reprenant le dessin laissant le crayon noircir lentement la page blanche de son immense carnet de croquis, celle-ci offre quelques regards à Chiron pour bien s'imprégner de l'allure du centaure. << Cependant, j'ai eu la chance d'avoir des parents très ouverts qui m'ont laissé apprendre et lire des tas de livres. Et en plus de la peinture, j'ai pu écrire quelques romans au fil du temps, j'ai exploité pas mal mon savoir au fil du temps surtout pour faire rêver les cœurs amoureux durant des périodes sombres. >> Elle lève les yeux vers lui. << J'ai occupé ces derniers siècles comme je le pouvais et le domaine de l'art m'a comblé. La peinture, l'écriture, la musique aussi. >> L'immortalité, c'est long, alors il faut bien l'occuper comme on le peut. << Et vous ? Qu'est-ce qui vous fascine dans ce siècle ? >>

Quand on a perdu quelqu'un, on se rend compte que beaucoup de choses viennent à nous manquer, même les plus minimes. L'intonation de la voix. Les gestes. Les habitudes. Un sourire. Le parfum. Absolument tout. Même quand cela ne nous paraissait pas important. En quelque sorte, Mia a aimé deux fois dans sa vie. Si elle a perdu son mari durant sa première existence, elle a fui son autre relation pour connaître enfin son histoire. Le mot qui lui vient en tête en ce moment, c'est : Déception.

Pas une simple déception. Elle n'est pas minime. Elle a assez d'importance pour arracher son cœur et la déprimer plus encore. Très certainement, que Mia aurait dû prendre en compte les paroles d'Elijah et de Klaus. Mais qu'aurait-été sa vie avec eux en sachant ce que la leur était devenue. L'éternité lasse. Une même histoire également. La vampire aurait sans doute fait face à un nouvel abandon qu'elle n'aurait pas supporté. Alors, la fuite lui semblait la meilleure option. Elle ne pouvait pas croire en une belle histoire pour elle. Plus maintenant. Elle était hors du temps. Hors des autres. Complètement dans sa bulle. Elle se demandait même ce qu'elle faisait encore dans cette école, cherchant ainsi sa place parmi des élèves dont la très grande majorité était si jeune.

《- Si j'entraîne ainsi mes élèves je risque probablement d'avoir de gros ennuis avec la justice de cette ville.》

Les traits sur la toile se précisent doucement. La vampire ferait des arrangements plus précis au fur et à mesure, mais la base devait être là. Sur cette toile qui se noircit peu à peu de l'image du professeur se trouvant devant elle. Bien plus vieux qu'elle et pourtant, il semblait comme être à nouveau venu au monde après que le Malivor l'ait rejeté. << Très certainement oui… Mais c'est étonnant de savoir à quel point l'éducation a changé… De votre époque à la mienne, le pas est grand. Immense même. >>

Le regard se lève vers le modèle à plusieurs reprises. Elle l'observe. Son regard bien que mutin dissimulait une profonde tristesse. Sourde aux oreilles du monde, mais à celles de la vampire qui en fin de compte possédait la même. Chiron et elle, n'étaient plus que des âmes tourmentées essayant de se faire une place ici-bas. Une place qui n'était pas claire et à laquelle elle se demandait qu'elle utilisait celle-ci pouvait avoir.

《- Je suis content que vous ayez trouver de quoi distraire une aussi longue vie. Qu'est-ce qui me fascine dans ce siècle ? Je dirais la technologie, n'est-ce pas perturbant de voir des voitures sans chevaux, avec un papier d'autorisation ? Où bien de s'apercevoir que les SMS ont remplacé les pigeons voyageurs ? J'ai un téléphone portable sans touche mais j'ai un peu de mal à comprendre le concept, le fonctionnement...Et vous ? Qu'est-ce qui vous plaît ici ?》

<< J'étais bien obligée d'occuper mon existence. Sinon, je n'aurais plus vu d'intérêt de la vivre. >> Plus d'une fois l'envie de brûler au soleil avait titillé son esprit et démangeait sa main pour retirer la bague à son doigt. Pourtant, la vampire s'est abstenue. Une force de vie bien plus grande la contrôlant inconsciemment. Sournoisement, pourrait-on dire étant donné les émotions qui traversent la vampire par moment. << La technologie… J'ai eu plus de facilité à m'y faire. Si elle est utile aujourd'hui, il suffit d'une simple panne pour que tout le monde ait l'impression d'être perdu. >> Rien que pour l'administration, la vampire restait adepte du document qu'elle était sûr de ne pas perdre. De plus, la sensation d'un papier ou d'un livre est grandement appréciable sous les mains. << Les communications sont plus simples et les messages rapides. Tant que le réseau ne fait pas des siennes ou bien que l'on ne se retrouve pas au milieu de nul part. >> Là, les choses se compliquaient sinon. Elle stoppe son mouvement et le regarde, réfléchissant à sa question. << Moi ? Et bien… Les humains… Leur évolution qui peut être merveilleuse. Cet espoir qui peut les habiter malgré toutes les difficultés. Oui, il y a de la déception quand on voit à quel point certains peuvent être mauvais. Mais je préfère voir ceux qui tendent la main ou bien ceux qui donnent beaucoup alors qu'ils n'ont rien ou peu de choses. C'est mon envie de découvrir plus d'humanité qui me tient encore dans ce monde… Et aussi de me dire que quelque part dans ce monde, le sang de mon époux et de mon fils persistent. Que mon sang continue de vivre et que je me dois de protéger. >> Elle reprend son dessin. Enfin de compte, ce sont des sentiments très humains qui répondent. Des considérations de mère qui ne l'ont jamais quitté. << Je suis mauvaise langue… J'ai encore mes parents biologiques. >> Avoue-t-elle lentement. << Mais l'histoire est compliquée autant que notre lien. Ma mère m'a déçu de par son comportement envers moi… Et mon père qui a été victime d'une malédiction et a aussi été libéré du Malivor. Mais ce n'est pas la famille que je m'étais imaginée… Que j'avais espéré… >> La main tremble donc elle cesse le dessin pour le moment. << Rien n'est jamais vraiment comme on le voudrait… Mon père est un amour, mais par colère et déception, j'ai très mal agi envers lui… C'est lui qui m'attriste le plus… Ma mère, elle, c'est tellement plus compliqué… Trop… J'aurais peut-être dû écouter les conseils que l'on m'avait donnés il y a des années… Des personnes qui l'ont connu et qui savaient. >> Elle lève les yeux vers Chiron. << Mais je voulais connaître mon histoire… Mes origines… >> On ne peut pas dire que cela lui ait plu. Sa respiration se calme comme ses tremblements et elle reprend le dessin. << Qu'est-ce qui est le plus dur ? Être seule ou bien avoir quelqu'un et être déçu ? >> Telle est la question.

Même en devenant vampire, Mia est toujours restée profondément humaine. C'est le sang qui la rend folle et incapable de se contrôler ne lui permettant plus d'avoir une quelconque raison. C'est un peu comme lorsque l'on se trouve perdu dans le désert sans eau et qu'un mirage apparaît sous la forme d'une oasis. On court et on cherche à s'abreuver, mais ce n'est que le sable qui nous accueille. La plupart du temps, Mia veut rester maîtresse de ses faits et gestes. Elijah lui a bien appris, mais on ne peut pas aller contre son besoin de sang humain une fois qu'elle le goûte et qu'il coule sur la peau. Elle ne préfère même pas y penser, de peur de s'en donner l'envie. C'est très dur. Une guerre constante dans la vie de la vampire. Sans doute, est-ce là, le cadeau venimeux de celui qui a fait d'elle une vampire. Qui a supprimé les joies de Mia de vivre avec son époux et de voir son époux grandir. D'avoir la possibilité d'avoir encore un autre enfant. Elle, qui rêvait d'une grande famille. Ce souhait est mort depuis fort longtemps.

《- Vous avez raison, j'ai toujours aimé les humains, je vous rejoins totalement dans vos propos ils sont incroyables. Si gris, j'étais connu pour être leur ami après tout. Je suis sur que les descendants de votre époux et enfant vis quelque part dans l'un d'entre eux. 》

Un sourire se dessine sur les lèvres de la vampire alors qu'elle continue de dessiner son modèle sur la toile. Bien sûr, elle l'entend et lui prête une oreille attentive, mais la jeune femme ne se détourne pas non plus de son art qui l'apaise à chaque fois qu'un trait est à nouveau tracé. Une sorte de sérénité qui prend forme réellement sous son regard. << Je ne préfère pas imaginer cela. Je chercherais les visages fantômes de ceux qui m'ont quitté il y a longtemps. Je souhaite seulement que mes descendants vivent bien et heureux. Cela me suffit. >> Courir après le passé n'est pas la chose la plus sage qui soit. Mia en sait quelque chose après avoir fait la connaissance de sa mère.

《- Comme je le dis souvent mais c'est un radotage essentiel : la vérité peut être difficilement écoutable même si nécessaire à l'évolution d'une personne. Avoir soif de ces origines est normal, seulement certaines histoires sont difficiles à intégrer, certaines actions aussi hélas. Comme la déception vis à vis de parents qu'on imaginé autrement Il vaut mieux avoir un pilier de soutien à ce moment précis.》

Les paroles de Chiron lui transcendent le cœur et l'âme. Il n'y a pas plus vrai. Mia ne lève pas pour autant le regard. Non par manque de respect, mais par peur de sombrer et de verser une larme. Elle se sentirait tellement ridicule. << Oui, on rêve trop et la réalité est plus lourde à accepter. La déception peut avoir des conséquences terribles. >> Le goût en est amer dans la bouche de la vampire. Après l'assassinat de ce vampire qui lui a tout pris, Mia a vécu un temps dans la surveillance des siens avant de changer de voie et de partir à la recherche de ses origines. Trop de fois rêvé et espéré pour finir par un sentiment de profond dégoût. Ce n'était pas comme ça qu'elle avait imaginé que les choses se passeraient. Elle devait digérer cette histoire pour tenter de voir une lumière quelque part. << Le pilier qui aurait pu m'aider n'est, hélas, plus de ce monde. >> Elijah aurait su comment lui parler et l'apaiser sans lui dire qu'il l'avait prévenu concernant sa mère. Non, il ne l'aurait pas accablé en voyant sa détresse. Mia n'aurait jamais imaginé que les choses lui prendraient autant de temps. Si elle avait su le destin d'Elijah ou de Klaus, elle serait venue les voir. Mais l'immortalité sépare plus qu'on ne le croit. On pense qu'on aura toujours le temps, mais force est de constater que même pour les vampires, tout est éphémère. << Quand je suis avec mes amis, je préfère penser à autre chose. Emprunter leur mode de pensée, mais si, je suis bien plus vieille que la plupart des élèves ici. Si je suis ici, c'est pour apprendre le contrôle. Ne pas frôler le massacre dès qu'une goutte de sang perle sur la peau. >> Elle finit par lever les yeux pour les poser enfin dans ceux de Chiron. << Occuper mes pensées dans l'apprentissage m'aide à ne pas devenir folle. >> Elle soupire. << Mais avec les derniers événements… Je me demande si j'ai encore ma place ici. >> Pas que dans cet endroit, mais aussi dans ce monde. Que pourrait-il lui offrir de merveilleux alors que son regard se ternit par la tristesse et un dégoût naissant ?