Le centaure et la peintre [Mia]

Dessiner permet à Mia de donner un certain ordre à ses pensées. De s'apaiser même si ce n'est qu'éphémère. Au moins, peut-elle se fondre dans le mirage du bonheur et du bien-être pendant un petit moment. Et puis, la présence du centaure lui était aussi plaisante. Sous un certain aspect, ce dernier lui faisait penser à son époux, mais aussi à Elijah. Cette façon d'être si calme et si sage. Cela mettait du baume au cœur de la vampire qui se replonge naturellement dans des passages merveilleux de sa vie d'humaine, mais aussi d'immortelle. Les longues discussions avec son époux alors qu'elle berçait leur fils dans les bras. Un spectacle qui était toujours agréable à regarder pour son mari. Mais également tous ces moments partagés avec Elijah, discuter, danser la valse, sourire et rire. Il lui avait redonné un goût de vie de ces lèvres alors que l'un et l'autre, n'étaient que des morts en sursie défiant le temps de par leur nature.

Mais la réalité prend le pas au, ainsi soit-il, de Chiron. Une voix qui s'évapore dans l'air tout comme les souvenirs si chers au coeur de la jeune femme. Un sourire, pourtant, se dessine sur les lèvres de Mia. Pourtant, c'est pleurer qu'elle voudrait. Mais quand on a trop versé de larmes, il était dur de les laisser couler à nouveau. Trop difficile tant c'était devenu presque impossible.

《- Bien sûr que vous avez votre place ici. Voyons miss De Castro, comment pouvez-vous avoir une telle pensée ? Vous ne déranger en aucune façon ni manière. Ni moi ni personne ici n'est une gêne, même si les retenues sont indispensables c'est pour le bien des étudiants. D'ailleurs, j'espère ne pas être indiscret en vous demandant quels événements vous tracasse ? Évidemment ce n'est pas une obligation que d'ouvrir votre coeur. 》

Oui, les interrogations viennent d'éclore dans son esprit. C'était normal après tout. Mia avait eu les réponses qu'elle cherchait, mais ce n'était pas celle qu'elle désirait. Être seule pour les affronter n'était pas la meilleure idée au monde, même si Elijah et Klaus l'avaient prévenu. Elle ferme les yeux l'espace d'une seconde pour se rappeler de ce moment déchirant où elle a dit au revoir à Elijah. Leur histoire n'était pas éternelle même si en d'autres circonstances, cela aurait pu l'être. Mais Mia était comme le vent, elle s'échappait dès qu'une autre terre avait besoin de son souffle. << Sauf votre respect professeur… Vous ne pouvez pas comprendre. Votre vie, c'était comme si c'était hier, vous n'avez pas vu le temps défiler comme moi. J'ai cherché très longtemps. J'ai appris à vivre et à me faire à chacune des époques. J'ai trouvé de merveilleuses personnes. J'en ai perdu énormément. J'ai vu défiler sous mon regard plus de 400 ans d'histoire… À voir un tas de choses et on finit par arriver à un moment de sa vie à la réflexion de ce qui pourrait nous émerveiller encore et nous pousser à croire en un lendemain meilleur. >> L'éternité peut épuiser, c'est comme ça. Elle finit par poser son regard sur lui avant de regarder à nouveau son dessin prenant forme. Une esquisse qui pourrait prendre vie sous son regard tant il était réaliste. << J'ai passé mon existence à rechercher qui j'étais… Mes racines… À vouloir comprendre à qui je pouvais ressembler. À savoir le pourquoi du comment de ce choix… Et quand j'ai eu les réponses, elle m'ont déchiré le cœur et mise en colère. J'ai fait du mal à un père que je ne connaissais pas, mais tellement gentil. Il a été victime de mon mal-être et de mon emportement. Ma mère… Elle est aussi froide qu'une pierre perdue au milieu de montagnes enneigées… Pourtant, on m'avait mise en garde… Je n'en ai fait qu'à ma tête parce que j'avais besoin de savoir… Finalement, tout n'est que déception… >> Elle baisse alors sa main. << Le pire… C'est que je sais parfaitement que ce père se jetterait dans le feu pour cette femme dont je partage le sang… Mais pas pour moi. Je reste une étrangère pour lui… >> Son regard se pose sur le tableau de son époux et son fils. << Pour qui puis-je avoir de nouveau de l'importance si ce n'est pas eux ? >> La douleur est vive. Assez pour lui donner l'envie de partir et de s'enfermer quelque part. << La recherche du bonheur est le but de tous les êtres en ce monde… Tout du moins la plupart… Quel autre bonheur puis-je trouver pour me donner l'impression de vivre et d'être utile à ce monde qui commence à me dépasser et que je n'arrive quasiment plus à suivre ? Si dans votre sagesse, vous avez la réponse, je suis preneuse. >>

Voir le temps qui s'écoule sans prendre une seule ride, ce n'est pas toujours un don. Au contraire, la malédiction, c'est de voir des gens mourir lentement. Une immortalité, c'est forcément se préparer à voir des êtres partir sans qu'on ne puisse rien n'y faire. Impuissante de toutes les mortalités. S'abstenir de leur offrir la condition des vampires. Mia s'est toujours revenue de ne pas offrir ce cadeau à d'autres. Si cette dernière l'a fait, c'était malgré elle. Sans doute, lorsqu'elle a été prise de cette folie qui broie la plupart des vampires à la vue du sang. Pétales carmins qui coulent et s'écoulent aussi sûrement qu'une somptueuse cascade. Encore une malédiction liées à sa condition devenant ainsi comme Stefan Salvatore dans son époque du Boucher. Même Elijah n'a pas réussi à guérir ce mal qui ronge Mia depuis tant d'années. Héritage de celui qui a fait d'elle une vampire et que celle-ci a tué sans même une hésitation et sans ressentir le moindre regret dans son être.

Alors, oui, elle se donne le droit d'être fatiguée par sa condition. Épuisée de voir le temps avancer. D'être fatiguée d'une évolution parfois ridicule et impensable. Les derniers événements n'ont pas été un cadeau pour la jeune femme. Retrouver ses parents biologiques n'a pas été ce à quoi elle s'était attendue. Mère décevante et un père qui paie le prix de la déception de cette fille qu'il ne connaît pas. Impulsivité propre aux siens. Le regret d'un comportement qui rendait la vampire taciturne, à vouloir se rappeler ce qui a pu compter pour elle. Mais inlassablement, la tristesse la plonge dans un lac de douleur.

《- Je comprends tout à fait votre point de vue. Il est normal de chercher le bonheur, je vais vous paraître très classique mais il se trouve dans les petits riens du quotidien : la peinture, une consommation dans un salon de thé. Les gens courent souvent après lui sans voir qu'il est parfois juste devant nos yeux, dans son plus simple appareil, nu de tout costume raffiné. Mais j'entends votre coeur et je comprends. Le jour venu je suis certain que vous trouverez votre utilité et des réponses à vos interrogations. Car vous êtes utile n'en doutez pas, n'en doutez jamais devant moi ! Et vous savez il m'a aussi fallu du temps pour trouver ma place, devenir un précepteur celà ne s'est pas fait ainsi. Nous passons tous à cette étape.》

<< Voilà pourquoi je continue à jouer les élèves. Apprendre et me rapprocher de ces âmes plus jeunes que la mienne. Je tente de voir ce qui les émerveille, contrairement à moi. Voilà pourquoi je peins, que je joue du violon ou que j'écris. J'occupe mon éternité par l'art parce que j'exprime mes émotions et je ne les garde pas en moi. >> Elle soupire longuement tandis qu'elle reprend son œuvre sur la feuille face à elle tandis que le souvenir d'Elijah au piano qu'elle accompagnait de son violon. Quel doux souvenir qui apaise son cœur. << Sans doute que vous avez raison, mais j'ai toujours cette petite voix en moi qui me fait ressentir le pire. C'est dur de combattre les démons de la tristesse. Déjà que je m'épuise à ne pas devenir un monstre à la vue du sang et à son odeur. C'est tellement fatiguant si vous saviez. Combattre sa part d'ombre pour ne pas être un danger pour les autres. >> Le dessin devient tellement réaliste sous les tracés experts de l'artiste immortel. << Quand je me concentre sur les détails, cela m'apaise. Je me sens revivre. Alors je passe ma vie ici à dessiner… Peinture, fusain, crayon… Tout y passe tant que mon cœur s'allège de ce flot de mauvaises pensées. >> Levant ses yeux vers Chiron, elle sourit doucement. << Comment avez-vous passé ces étapes pour devenir un précepteur ? Qu'est-ce qui vous a permis de tenir malgré les doutes et l'envie de baisser les bras ? >>

《- Je ne peux qu'imaginer le combat mené contre votre soif de sang. Celà ne doit pas être facile tout les jours que retenir des pulsions inhérente à votre nature. Je trouve que vous vous en sortez très bien jusqu'à maintenant.》

Il n'y rien de pire que d'avoir soif dès que le sang coule quelque part. Mia devient une version si sombre et violente d'elle-même. Sans coeur ni pitié, elle ne voit que le sang qui coule et donc une nourriture qui ne peut que lui faire le plus grand bien. C'est une drogue écarlate qui donne une impression de vie pleine entière. Quand la vie quitte un corps pour faire vivre le sien ou tout du moins, lui donner la sensation d'être vivante. << Tant que le sang ne coule pas à flots, je peux m'en sortir… Mais je préfère éviter de vous dire ce qu'il se passe dans le cas contraire. >> Heureusement, c'est très rare de la voir ainsi. Durant des siècles de vie, la vampire a su se canaliser, à se concentrer sur cette part d'humanité en elle. << C'est le pire héritage que j'ai pu avoir de la part du vampire qui m'a transformé. >> Sans compter les mauvais penchants de sa mère biologique. Sans doute que Mia avait une part profondément noire qui ne veut que s'exprimer. Cette colère qu'elle peut contenir en elle… Si elle vient à éclater un jour, il ne vaut mieux pas être très optimiste concernant la jeune femme.

Petit à petit. De minute en minute. Le portrait de Chiron prend forme. Elle l'imagine comme il aurait été à une époque. Une pause professorale avec un parchemin contre lui. Tout autour, une nature abondante. Ce n'est qu'un début, parce qu'elle compte bien rendre ce tableau vivant de vérité d'un passé que son modèle a pu vivre.

《- Mon père adoptif, un humain remarquable qui m'a énormément donné et qui n'était point rebuté par ce que j'étais, au contraire il m'a apporté un amour inconditionnel à une époque où m'accepter comme j'étais était compliqué, ce fut un long combat. Alors que celle qui m'a fait naître m'a abandonné derrière elle à la merci de la Nature qui fut compatissante à mon égard. On ne trouve pas spécialement de l'amour dans ceux qui, biologiquement, nous ressemble. C'est une leçon qui à été mainte fois prouvée. 》

<< Je vous comprends totalement… Du jour où on m'a trouvé, je n'ai jamais senti de différence. J'étais la fille de mes parents, mais… Quand tout a changé, je voulais trouver la vérité… Poursuivre un objectif après avoir perdu mon mari et mon fils… Je me suis débarrassée de mon créateur pour être libre. >> Et ce n'était pas beau à voir. Bien au contraire. Ce fut un sourire qui combla le visage de son créateur et non la peur. << Je voulais me servir de mon temps pour savoir qui l'on est, mais… La vérité n'est pas toujours un cadeau, n'est-ce pas professeur ? >> Elle l'observe sachant que ce dernier pouvait la comprendre. Abandonné puis adopté par quelqu'un qui l'a considéré comme son fils à part entière. L'amour, ils l'ont connu tous les deux avant que ce dernier ne soit arraché par un événement qui n'aurait jamais dû arriver et noircir le tableau parfois de leur existence. << Vous pouvez venir voir, ça vous fera une petite pause. Être modèle ne doit pas être simple… >> Elle lui sourit doucement. << Ce n'est pas finir, j'imagine un tableau plus complet, mais il me faut le personnage central… Vous… Afin de pouvoir peaufiner ce qu'il y aura autour de vous. >>

《- Je pense que le sang des créatures est particulièrement ragoûtant pour les vampires. Peut-être serait-il judicieux de vous entraîner à gérer votre soif auprès d'une elfe ou même de moi. Au vu des grimaces des élèves, mon liquide vital ne semble pas être d'une très grande qualité, il à même l'air de la chose la plus immonde qu'ils aient senti. 》

Mia lève un regard surpris vers le centaure. Elle n'avait jamais songé à cela. Il est vrai qu'elle a senti une fois le sang du professeur de divination et elle ne l'a pas trouvé attirant. La vampire s'est même surprise à ne pas éprouver le besoin de céder à une soif incontrôlable. << Je n'y ai jamais songé. >> Fit-elle dans un simple murmure alors que son esprit songeait déjà à tout ce qui lui était possible de réaliser grâce à cela. << Mais je ne veux pas faire peur à l'elfe de l'école… C'est une très bonne amie à moi et je ne veux pas lui faire peur… >> Mia pouvait être particulièrement effrayante. Elle savait que lorsque l'humanité était profonde, le monstre pouvait être particulièrement horrible. << Vous pensez pouvoir m'aider ? Mais j'ai peur de vour faire du mal malgré moi… Si c'est le cas, il faudra m'enfermer, je ne veux pas être un danger pour qui que ce soit dans cette école. >> Mia avait peur d'elle-même, surtout quand elle connaissait à présent ses antécédents familiaux. << Le soucis avec le mal qui me ronge, c'est qu'un sang aura beau être immonde, mais cela n'empêche pas l'envie de faire couler le sang. >> La vampire le regarde. Un peu voir très perdue. Elle appréciait beaucoup Chiron, il avait toujours des centaines d'histoires à raconter et cela berçait l'imagination de la vampire qui pouvait les peindre sans mal. Elle ne voudrait aucunement lui faire du mal.

《- Non en effet, elle est à double tranchant. Il y à des secrets inavouables et c'est pour cette raison qu'il est réellement nécessaire d'avoir un compagnon solide sur lequel compter. 》

Poussant un profond soupir, Mia baisse la tête. Elle n'a pas de personne assez forte dans son entourage pour cela. << En fait… Je suis celle qui préfère soutenir et aider qu'être celle que l'on aide. >> C'est ce côté maternel qui s'exprime si souvent et dont elle n'a pas pu se défaire malgré le temps. Baissant sa main, la jeune femme libère le centaure de cette posture qui devait être inconfortable à présent. Il devait avoir besoin de bouger et de détendre ses muscles. La vampire le laisse donc découvrir son dessin, bien qu'inachevé encore. Elle avait tant de choses à apporter pour le rendre aussi parfait qu'elle l'imaginait en ce moment.

《- En effet mais celà ne me dérange absolument pas, celà vous fait plaisir c'est le principal. Ce que vous avez fait c'est déjà tant, quelle magnifique portrait. Je suis ébloui par tant de talents ! Vos doigts sont magiques, assurément ! 》

Levant la tête vers lui, Mia lui sourit avec douceur. << Le modèle a été très inspirant aussi… Merci pour les compliments professeur Galanis. >> La jeune femme reporte son regard sur le portrait du centaure et sourit. << Vous avez un visage qui exprime beaucoup, surtout au niveau du regard. Il captive facilement. >> Fit-elle en souriant apportant une touche de crayon sur la chevelure du centaure. << Vous savez… Avec le sort de souvenir, j'ai quelque chose qui m'est revenu en mémoire… J'ai connu un faune quand j'étais enfant… Il jouait toujours de la musique pour moi… J'ai grandi avec lui avant qu'il… Que le Malivore l'emprisonne. >> Posant le crayon, son visage se fait plus triste. << Vous ressentez aussi un vide perpétuel en vous ? Que vous aimeriez combler tout en sachant que vous ne le pourrez pas ? >>