Deux rencontres malvenues en une soirée... | Zirnitra Pyriev

La nuit était tombée depuis maintenant plusieurs heures. Avec l'hiver, les journées étaient plus courtes et l'air, glacial. Ce n'était pas la saison préférée de la sorcière, elle préférait la chaleur au froid, en témoignait d'ailleurs son prénom. Mais la poudreuse qui s'étendait parfois à perte de vue, sur les routes, sur les toits, ce lumineux spectacle lui plaisait beaucoup. Voir les enfants construire des bonhommes de neige, faire des batailles de boules de neige ou s'amuser à faire de la luge lui donnait l'impression de retourner en enfance, en un sens. Elle s'était parfois adonnée à ses activités avec Casey lorsqu'elles étaient jeunes et lorsque la complicité semblait encore bien présente dans leur relation fraternelle. Puis, en hiver, il y avait Noël bien sûr. Il s'agissait de l'une des fêtes préférées de la brune. Les décorations redonnant vie à la ville, l'animation propre à cette période, les téléfilms un peu gnangnans, niais, qui passaient chaque année et devant lesquels elle s'installait parfois, un plaid sur le dos et un chocolat chaud à la main, et les cadeaux, bien évidemment. Toutefois, l'esprit de Noël n'avait plus la même résonance pour elle depuis le départ de sa sœur adoptive. L'ambiance qu'il régnait chez elle n'était pas celle qui, jadis, animait la demeure. On ne pouvait pas clairement dire qu'il y avait des tensions, tout du moins en apparence, mais l'enthousiasme s'était tari. Jusqu'à présent, il y avait toujours eu Isaac pour compenser la déception qu'elle ressentait et dont elle se jugeait responsable, probablement à raison. Mais il ne faisait à présent plus partie de sa vie. Cependant, un autre individu était en train de prendre sa place. Doucement mais sûrement. Emilien. Elle avait d'ailleurs fêté Noël avec lui également et avait passé un excellent moment. En sa présence, elle parvenait à oublier les tensions. À laisser les émotions négatives de côté pour n'en ressentir que des positives. Oui, des sentiments étaient en train de naître. Ils étaient même déjà là, mais ils grandissaient un peu plus chaque jour. Chaque fois qu'ils se parlaient. Chaque fois qu'ils se voyaient.

Il était vingt-deux heures précisément. La sorcière avait passé la soirée à la bibliothèque municipale. Elle n'avait pas vu l'heure passer. Elle s'y était rendue pour trouver quelques romans à lire et en avait trouvé un, de type roman policier. Elle s'était assise dans le but de lire quelques pages afin de savoir s'il valait le coup d'être emprunté ou non. Visiblement, il le valait puisque ce ne fut que la voix de la bibliothécaire qui l'informa de la fermeture imminente du site qui lui fit reprendre conscience de la réalité. « Mince ! Déjà ! ». Elle n'avait même pas mangé. Après avoir emprunté le bouquin qu'elle avait déjà presque terminé ainsi que deux autres du même auteur, elle quitta les lieux avec précipitation.

Une fois à l'extérieur, elle frissonna. Il faisait vraiment froid et les rues étaient désertes. Seul un chien à l'aboiement rauque brisait le silence. Elle accéléra l'allure pour rejoindre l'école Salvatore. Elle n'avait pas spécialement peur, même si elle n'était rassurée non plus. Mais c'était une sorcière alors elle avait de la ressource. Elle connaissait les pouvoirs et faiblesses des êtres surnaturels qu'elle côtoyait le plus. Pour ceux venus du Malivore, c'était une autre histoire. Cependant, elle n'était pas du genre paranoïaque et même si Mystic Falls regorgeait de créatures surnaturelles, les attaques n'étaient pas quotidiennes. Du moins entre elles. Ou disons que les médias n'en avaient pas connaissance. Ils pouvaient l'être que si un corps était retrouvé ou qu'une personne disparaissait, même si bien entendu, le côté fantasmagorique leur était inconnu.

Tournant à l'angle d'une rue, elle ressentit une étrange sensation. Un frisson parcourut son corps. Elle n'était pas seule. Elle le sentait. Elle s'arrêta de marcher et se retourna une brève seconde, les films d'horreur qu'elle appréciait tant lui ayant appris qu'en général, si on se retourne trop longtemps, l'ennemi se retrouve juste devant nous dès lors qu'on regarde à nouveau devant soi. Mais cette présence était pour l'instant invisible à son regard. Elle fit un pas hésitant, puis un deuxième, et c'est à ce moment-là qu'une ombre furtive jaillit sur elle. Un vampire. Il la saisit au niveau de la gorge et la plaqua violemment contre le mur du bâtiment qu'elle longeait. Elle lâcha un hoquet de surprise. C'était peut-être la deuxième fois seulement qu'elle se faisait attaquer de la sorte, sans compter les fois où il s'agissait de camarades déboussolés quant à leur nature. Et aussi ses amis un peu idiots qui avait cherché à l'effrayer. Par réflexe, elle avait jeté des sorts à certains, ce qui avait au moins eu pour effet de les dissuader de recommencer. Dans la situation présente par contre, il s'agissait clairement d'un individu mal intentionné, un « homme » d'une quarantaine d'années. Mais ce n'était clairement pas le moment de le détailler. L'air satisfait et le sourire sardonique sur son visage n'était en rien rassurant, mais June se faisait suffisamment confiance pour se défendre. Les cours de défense prenaient une partie conséquente de son emploi du temps, parce qu'il était simplement question de survie. Sur le plan de l'aptitude physique, elle ne ferait clairement jamais le poids contre un vampire. Par contre...

« Ossox ! » parvint-elle à murmurer malgré la main qui emprisonnait sa gorge.

Un craquement suivi d'un hurlement brisèrent le silence de la nuit. Elle venait de lui cette main qui la retenait prisonnière.

« Espèce de salope ! Tu vas me le payer ! » ragea le vampire.

Il s'approcha dangereusement d'elle, l'air menaçant. Elle se prépara alors à lui asséner une attaque qui, elle l'espérait, le ferait partir cette fois.

« Phesmatos Pyrox Morsinus Illum »

Le vampire n'allait pas tarder à ressentir les terribles effets de ce sort au sein de sa boîte crânienne. June n'avait toutefois aucune intention de le tuer, elle voulait simplement sauver sa peau. Tuer, qu'il s'agisse d'un humain ou d'une créature surnaturelle, ne laissait personne indifférent. Aucun être normalement constitué. C'était d'autant plus vrai pour June. Elle ne pouvait concevoir de commettre un meurtre. Même si ce vampire n'allait certainement pas s'arrêter après cette rencontre alors, en un sens, en lui laissant la vie sauve, elle en condamnait d'autres, innocentes. Mais il était question d'intention, de conséquences directes ou indirectes. Ce n'était pas la même chose.