All of this is real ? ft Alaric and Orion

☾☾ Le monde a tellement évolué depuis ma capture que je peine à m'y habituer. Je ne peux pas dire que je m'y sente à mon aise. Trop de choses à apprendre d'un coup, mais le pire est le fait de savoir que frère Thomas ne soit plus de ce monde pour me guider. Plus encore, savoir que Rowena n'est plus qu'un souvenir vivace autant dans ma mémoire que mon coeur, cela me meurtris chaque jour qui passe. Pour moi, hier encore, je m'étais mis à l'état de pierre pour que mes blessures se soignent. Plus tard, je me réveille dans une époque différente avec des gens que je ne connais pas. Les visages d'autrefois me sont encore si forts que j'ai l'impression de devenir fou. Et pourtant, les faits sont là, je suis un étranger dans un monde qui est le mien, mais à une époque qui me dépasse fortement.

C'est sans doute pour cela que j'ai choisi de me perdre dans la forêt. Elle est restée la même qu'il y a 200 ans. Les arbres sont là, d'autres ont pris racine dans la terre. Les animaux ont continuer le cycle perpétuel des morts et des naissances. Il fut un temps où se promener à cette heure était risqué pour les êtres humains. La nuit peut tomber plus vite qu'on ne le pense et cela fini par une nouvelle victime des griffes de ces créatures qui se tapissent dans les ténèbres. Depuis que je suis revenu, j'ai l'impression que ces dernières se sont multipliées. J'ai l'impression de croiser des individus que j'ai déjà combattu. Comme une boucle qui se répète et jamais ne cesse. Très certainement mon imagination. J'avance le cœur serein et la respiration qui l'est tout autant, mais mon odorat perçoit un danger. Une odeur de sang frais ajouté à celui séché. Je tourne autour de moi-même pour connaître l'endroit d'où cette odeur se fait plus intense. Une autre vient alors se mélanger. Celui d'un parfum floral plus délicat et sucré. Je grogne sans me contrôler. Les jeunes femmes de nos jours n'ont plus aucune notion du danger ? Est-il si étranger à leur quotidien pour passer à côté des précautions essentielles ? N'ont-elles plus de chaperons ? Sont-elles vouées entièrement à elles-mêmes ? Qu'est-ce qu'il se passe de nos jours pour être aussi inconséquent.

Je n'attends pas pour courir me ruant sur la seule odeur assez forte pour moi. Celle du sang. Celle qui m'accompagne depuis que j'ai vu le jour à une époque où ce fluide coulait comme une cascade de sa montagne. Ce que je vois, me surprend. Une jeune femme usant de magie contre un troll des forêts ? C'est à peine s'il bouge, mais assez pour être décontenancé. Cette damoiselle est vraiment mal tombé. Les trolls sont des êtres violents, sauvages et territoriaux. De mon temps, voir même avant, c'était monnaie courant. Cette damoiselle reste surprise par ce qu'elle vient de faire, comme si cela était impossible pour celle-ci. Sans doute inconsciente de ce qu'elle est. J'ai l'impression que ce genre d'héritage est passé sous silence désormais. Les humains n'ont plus conscience de l'exactitude de notre existence. Nous ne sommes que des créatures imaginaires. Il fut un temps où l'on croyait en nous. Les humains étaient conscients que nous pouvions marcher à leur côté. Vivre simplement. Être chassé par moments. Aujourd'hui, nous ne sommes que des mots dans un livre et l'imagination de certains. Ceux qui croient en l'existence de l'impossible sont les âmes les pus innocentes. À savoir les enfants, des êtres qui me paraissent bien plus sage qu'un adulte enfermé dans le carcan de sa stupidité.

En voyant le troll se redresser, je me mets à courir vers sa victime du moment. Je la bouscule prenant garde à ce qu'elle ne se fasse pas mal. Je la regarde un instant avant de me redresser et de l'aider à se lever. << Mettez-vous à l'abri, je m'occupe de lui. >>

Les trolls ne parlent pas vraiment. Ils n'émettent que des sons trop occupés à vouloir attaquer et dévorer tout ce qui se trouve sur leur route étant donné la capacité qu'ont leur estomac. Je sors l'épée de son fourreau se trouvant sur mon dos. Celle-ci n'avait pas quitté sa cachette habituelle en haut du clocher. Frère Thomas devait être convaincu que je serais revenue un jour ou l'autre. Comment saurais-je que l'oublie est notre malédiction lorsque le Malivor nous emprisonne. << À nous deux, le troll. >> J'ai conscience que je suis étrange pour cette demoiselle. De ma façon d'être, de m'habiller et d'agir. Je n'ai pas suivi les époques comme une autre créature qui aurait pu les voir défiler purement et simplement. Je sais que je devrais changer ma façon de m'habiller, mais c'est trop tôt. Cela signifierait que j'accepte ce qu'il s'est passé et je ne suis pas prêt. Mes cheveux sont aussi gris que la pierre que j'incarne et pourtant, je pourrais en changer la couleur comme je le souhaite.

Instinctivement, je tourne la tête agrippant la jeune fille par la taille pour l'écarter de la trajectoire de l'arme du troll. << Seriez-vous sourde ? Je vous ai dit de vous mettre en sécurité. >> D'un geste vif, je blesse la main du troll pour qu'il fasse tomber son arme. Une bonne chose de fait, mais il faut que je mette cette jeune damoiselle dans un endroit que le troll ne pourra pas atteindre. Je pourrais ainsi me battre avec l'esprit plus libre et clair.

Troll:

☾☾ Le troll ne sait que pousser grognement et cris que seul lui est en capacité de comprendre. Mais moi, je sais saisir les émotions des gens et des créatures parce que c’est une évidence qui coule dans mes veines. Sans doute, ai-je plus de compréhension que n’importe quels individus foulant le sol de cette terre. Mais je suis bien maladroit pour y faire face. Avec Rowena, tout était clair, simple et naturel. Certainement, parce que mes sentiments s’y mêlaient avec une douce violence qui me manque aujourd’hui. Je ne veux plus vraiment prendre en compte tout cela parce que cela fait plus souvent mal. Des souvenirs refont surface encore et encore sans que je ne puisse rien y faire contre cela. Une gargouille faite de pierre qui souffre le martyre. N’est-ce pas ironique comme situation ? Absolument, mais ce n’est pas parce que je fus créé dans une roche dure et bénite que mon cœur soit forcément dénué des mêmes sentiments et émotions que cette jeune femme. Enfant que je dois protéger au péril de ma vie, même si elle viendra à me fuir si je n’aurais pas d’autres choix que de passer à l’état d’homme à gargouille pour faire face à ce troll des montagnes devenant de plus en plus en colère et affamé à l’odeur du sang qui palpite dans les veines de cette damoiselle.

« Eloignez-vous ! »

En voyant une nouvelle attaque du troll, je porte sans difficulté la jeune femme pour l’éloigner à nouveau et la cachée en lieu sûr. << Restez ici en sécurité. >> Ma voix n’est peut-être pas plus des chaleureuses, mais je ne sais plus faire autrement depuis que je me suis réveillé.

L’épée glissant de son fourreau, je m’approche de l’homme qui est apparu il y a quelques secondes pour faire face au troll des forêts. Ces paroles me confirment l’évidence de la situation. Des créatures de ce genre ne sont plus aussi courantes qu’à l’époque. Alors que sont devenus les êtres aussi différents que moi pour cette réalité qui me dépasse. Les hurlements de la créature semblable à une foudre qui s’abat dans le ciel ne me font plus rien. Je n’ai connu la peur qu’une seule fois dans mon existence et c’est lorsque j’ai cru perdre ma douce Rowena. Aujourd’hui, cette émotion n’est rien de plus ce qu’elle est. Un mot de plus dans le vocabulaire des hommes et des créatures. L’homme arme à nouveau son arbalète et il atteint sa cible, ce qui fait reculer le troll qui s’arrache prestement, la flèche de son œil.

« Une idée de comment on tue cette chose ? »

<< Il n’y a pas mille solutions pour les tuer. Il faut atteindre les points vitales de la créature. >> Avec mon épée, je dois paraître bien étrange, mais voir une arbalète me rassure étrangement. Je suis bien plus à l’aise avec ce genre d’arme que celle qui crache le feu. Le troll se met à grogner et j’en fais tout autant ce qui surprend la créature qui fait un pas en arrière. Moi aussi, je sais grogner et sans doute, me suis-je fait comprendre par ce dernier. S’il ne connaît que ce genre de langage alors, je peux l’utiliser sans mal. Je lance un regard à l’homme à mes côtés. Il ne dégage rien de spécial, tout du moins, pas comme les créatures que j’ai pu croiser ou encore les lycans et les vampires. Il me paraît être un humain tout à fait normal, mais avec une connaissance des individus que les légendes humaines perpétuent sans véritablement croire en nous.

Sans crier gare, je cours vers le troll évitant son arme pour frapper les tendons de ces chevilles. Il joue de violence alors autant jouer sur ce terrain. J’ai besoin d’évacuer moult sentiments qui m'étreignent le cœur depuis que je me suis réveillé en haut de ce clocher. En haut de cette tour qui surplombe un monde totalement inconnu où les bruits qui l’entourent ne sont plus ceux des sabots des chevaux, mais de celui de ces étranges véhicules qui me dépassent.

Je me prends un coup du revers de sa main qui m’envoie valser contre un arbre. Est-ce qu’il rit ? Pauvre imbécile. Je me relève en grognant de plus belle, bougeant mon cou qui craque sous le mouvement. Je m’avance un sourire mauvais sur les lèvres, l’épée dans ma main. << Les trolls sont plus faibles que dans mes souvenirs. >> Constatais-je avec un certain amusement. Cependant, je me rends compte que l’endroit où nous avons été emmené durant tout ce temps a retiré de notre force. Mais je ne me sens pas totalement différent pourtant. Néanmoins, je ne peux permettre de nouvelles victimes étant donné la force odeur de sang qui entoure la créature sans oublier les traces de sang qui se trouvent sur lui. << Prenez la fille et partez. >> Fis-je d’une voix tout aussi autoritaire que celle qu’il a pris plus tôt. Je me ferme les yeux et je sens mon corps changer prenant lentement l’apparence de la gargouille. La transformation est pourtant la même que la dernière fois que je l’ai prise. Alors, tout n’est que sensation. Que simple impression ? Sous cette apparence, je dépasse facilement les deux mètres de hauteur. L’on me qualifiait déjà d’impressionnant sous ma forme humaine, alors j’imagine aisément les paroles que l’on a lorsque je suis en gargouille. Pourtant, rien ne change véritablement en moi. Ma peau n’est pas de pierre, mais elle en emprunte cette teinte grisâtre. Je repose l'épée dans le fourreau alors que j’arrête le mouvement du troll qui s’apprête à nous frapper autant moi que l’humain. << Vous êtes sourd ! J’ai dit partez avec la damoiselle ! >> Que d’inconscience tout de même. D’égal à égal, le troll fait face à un être capable de lui tenir tête et de le faire reculer voir même tomber comme un arbre dont une tempête trop puissante aurait réussi à déraciner. Je m’apprête à porter un coup qui se veut fatal, mais le cri de la jeune damoiselle s’élève et je tourne la tête, mais je constate que c’est moi qui lui ai fait peur. Le troll me capture dans sa poigne. << Les humains… >> Soupirais-je exaspéré.

Troll:

☾☾ Ce monde, j’ai décidé d’arrêter de tenter de le comprendre, mais plutôt d’en apprendre petit à petit. Si je viens à trop me poser de questions, l’amertume et le dégoût prendront trop rapidement place dans mon être. Après tout, la solution la plus simple et de me mettre en sommeil. De retourner à l’état de pierre en haut de mon église. De rêver éternellement de ce visage qui me hante au quotidien depuis que je suis revenue à une époque qui est loin de celle des colons et des puritains. Un monde en chaos perpétuel parce que les êtres qui connaissent notre existence ne savent pas faire face aux créatures de l’ancien temps. Moi, j’ai su les combattre avant même de devenir un être de chair et de sang. Ma pierre est plus ancienne qu’on ne pourrait le croire et j’ai dû, même si mon esprit me fait défaut, voir des siècles d’existences défiler avant que ma pierre ne soit bénie par un croyant et qu’un sculpteur ne vienne à dessiner doucement la créature fendant les cieux et hurlant contre les impurs. Sans aucun doute, ma propre nature me dépasse et je n’ai pas la moitié des renseignements à mon sujet, mais je sais qu’un jour où l’autre, l’évidence se peindra doucement sur le trajet qu’emprunteront mes pas. Pour l’heure, je dois m’occuper de ce troll avant qu’il n’écrase deux innocents de plus.

Je ne vois pas que l’envie de tout écrabouiller. Je vois aussi de la peur et de l’incompréhension dans le regard de la bête. Et je le sais que trop bien, un animal effrayé n’en devient que plus dangereux encore. Nous allons devoir agir vite et bien. Je ne peux pas m’amuser plus longtemps avec ce troll pour le déstabiliser. Le hurlement me fait tourner la tête, mais le troll en profite pour me capturer. Voilà pourquoi je ne veux plus de poids mort. Cette fille ne m’a pas écouté et n’est pas partie. Qu’a-t-elle dans la tête ! Bien peu de choses apparemment. Je sens la poigne se resserrer autour de moi, mais je n’abandonne pas pour autant. Je me débats et tente de mes bras d’ouvrir cette main qui m’emprisonne. Ma force peut être à l’image de celle de ce troll que je fixe. Je ne le lâche pas des yeux pour qu’il sache bien à qui il a affaire.

C’est alors que la créature hurle et me libère. Je prends mon envol afin de m’éloigner atterrissant à côté de ce qui ressemble le plus à un chasseur. Chasseur qui me semble soudainement plus petit maintenant que j’ai pris ma véritable forme. D’un simple hochement de tête, je le remercie, c’est la moindre des choses, je n’ai pas oublié les règles élémentaires de politesse même si parfois, on peut croire le contraire.

« Pouvez-vous atteindre les points de respiration ou cardiaque ? Il faut que nous arrivions à le stopper avant de pouvoir l’atteindre complètement ! »

<< Faites diversions, je m’occupe du reste. Blessés, les trolls n’en deviennent que plus dangereux encore. >> Les trolls ne parlent que rarement. Bien que stupide, ils sont parfois utiles pour obtenir des renseignements et j’ai l’impression qu’il veut se diriger vers un endroit précis. Même si on l’attaque, il se tourne toujours vers une direction précise. Quoi qu’il ait en tête, nous devons le stopper. << Visez les points faibles. La gorge surtout. >> Sans mot de plus, je fonce vers le troll pour le cogner avec ma tête. Ce dernier titube tentant de garder l’équilibre. En prenant de la hauteur, je regarde furtivement le lieu où il souhaite se rendre et je bois une petite bâtisse. << Ne rêve pas trop, tu n’iras point là-bas ! >> Je vole pour reprendre mon épée posée au sol avant de la pointer vers lui. << Je te pourfendrais bien avant. >> J’évite la main du troll venant à le blesser de ma lame avant de poursuivre mon vol et de trancher la chair se trouvant son bras. Je sais qu’il y a une artère se dirigeant vers son cœur. C’est presque navrant de voir un être aussi monstrueux perdre de sa superbe. Il n’est pas aussi fort que ces prédécesseurs. À mon époque déjà, je faisais équipe avec un sorcier pour me débarrasser de ce genre de créature. Volant et évitant les bras de mon ennemi, je parviens à plante une partie de ma lame dans sa gorge affaiblissant grandement le troll. Mouvement en arrière, je vole au-dessus du chasseur. << Si Jorgen était là, j’aurais pu me fier à sa magie. Ne connais-tu point de sorcier, chasseur ? >>

Troll: