L'échappée-belle ~ Théa & Rydian

L'échappée-belle

Peu importe le siècle que l’humanité traversait, les êtres malveillants continuaient à subsister et à tenter de ternir l’innocence. Je ne sais pas vraiment ce qui me mena à ce vampire : mon instinct, cet remembrance, l’air perdu de la femme ? Même maintenant, j’étais incapable de savoir. Mais voilà, je me positionnais entre la femme et le vampire en lançant sur ce dernier le contenu d’une fiole enchantée et bientôt, il fût parti, me laissant seul avec la femme. Je ne savais pas quel tour le vampire avait pu jouer sur l’esprit de cette femme : à quel point avait-elle été hypnotisé ? Je n’en savais rien mais je ne pouvais pas la laisser ainsi immobile dans la rue, la proie parfaite pour tous les prédateurs. Je m’approchais d’elle, en faisant fit des convenances, je déposais ma main sur son avant-bras pour la réveiller et j’obtiens enfin une réaction, bien que faible. Je lui laissais le temps de reprendre ses esprits, l’observant avec une inquiétude et sollicitude assez dissimulées à tout être qui ne savait déchiffrer les sentiments. Elle me posa des questions dont je ne sus si je devais lui apporter la réponse. Si cette femme ne savait pas pour les vampires, lui voler son innocence, était-ce réellement une bonne idée ? Mais si je ne lui disais rien, alors elle pourrait devenir la proie de tant de monstres. Une situation dont je ne savais décidément quoi dire, ni quoi faire. Je choisis pour le moment de répondre à sa question la plus simple.

« Je m’appelle Rydian de Bavière, et vous, ma dame ? »

Commencer la conversation ainsi rendrait surement les choses plus simples pour cette jeune dame et me permettait de m’éclaircir l’esprit, gagnant du temps pour penser à mes prochaines réponses. Je ne doutais pas, en voyant la sémillance (=vivacité d’esprit) briller dans son regard, que je ne m’en sortirais pas avec une dérobade. Il allait falloir que je fasse attention à mes propos pour ne pas forligner ( = dépasser les limites) et pour ainsi préserver son innocence.

« Je vous ai vu suivre un homme dont j’avais déjà aperçu le visage en de mauvaises situations et je ne voulais pas vous laisser à sa merci. Alors je me suis interposé et il est parti. Vous ne le connaissiez pas avant ce soir, n’est-ce pas ? »

Même si cela pouvait donner une mauvaise image de moi à cette dame, il était bien plus simple de lui dire que je connaissais ce vampire et que je savais qu’il était un mauvais homme plutôt que de lui expliquer sa véritable nature. En espérant ainsi pouvoir passer cet esprovance (= épreuve) sans briser les illusions de normalité de cette jeune femme. Je tentendais de lui adresser un sourire, avant de pointer du menton l’entrée de la ruelle. Je ne savais à quel point le vampire allait lanterner (=prendre son temps, hésiter) avant de comprendre comment se débarrasser de l’eau qui rongeait ses membres et je ne tenais pas à ce qu’il vienne reprendre le cours de son repas. L’effet de surprise ne serait plus au rendez-vous après tout.

« Sans vouloir sembler être un paltoquet (=homme grossier, prétentieux), que diriez-vous de retrouver le reste de la civilisation ? Vous semblez avoir besoin d’un chocolat chaud. »

Si je me souvenais correctement, Aimée appréciait toujours ces boissons après les épreuves de la vie, disant que cela la réconfortait. Je ne sais pas si c’était le cas de toutes les femmes mais cela valait le coup d’essayer après tout. Patiemment, j’attendis la réponse de la jeune femme en balayant la ruelle du regard.

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L'échappée-belle

Même si je ne regrettais point d’avoir sauvé cette jeune femme, je me doutais également que cela m’amènerait à de drôles d’ennuis, ne serait-ce qu’expliquer cette situation allait être difficile. Je m’assurais que ce vampire se trouvait loin avant de me tourner vers la jeune femme, réussissant d’un contact à la ramener à la réalité. Alors j’en profitais pour demander son nom quand elle me demanda ce qui se passait. Je ne voyais comment me sortir de cette situation sans l’esprimer (=l’opprimer, l’accabler) avec la vérité mais j’y réfléchissais. Je hochais la tête quand je sus que cette jeune demoiselle s’appelait Théa Fell, de mon expérience personnelle, appeler les personnes par leurs noms les aidaient à sortir de leurs états seconds, bien que cela avait pour conséquence de forligner (= aller hors de la ligne) hors des convenances.

Je m’assurais de fournir une explication qui tiendrait plus ou moins la route, en espérant toutefois que cela n’allait pas la rendre méfiante. Cela ne sembla pas être le cas et je me permis de me détendre un peu quand elle m’expliqua sans le vouloir qu’elle ne connaissait point son agresseur. Les chances que ce vampire l’attaque de nouveau étaient donc faibles, maintenant que je m’étais mis une cible sur le dos. Ainsi, miss Théa devrait éviter une nouvelle essaillie (= attaque) de sa part.

« Je ne peux pas vraiment vous fournir de réelles explications, je suis arrivé au milieu de votre altercation. Je m’en excuse. »

Je m’excusais surtout de ne pouvoir lui expliquer la réalité mais je sentais que ce n’était pas à moi de lui fournir ses explications. Je finis par lui proposer un chocolat chaud pour l’aider à sortir de cette esprovance (=épreuve) en espérant qu’elle ne prendrait pas ombrage de mes manières et après un instant, cela la fit rire. Je compris pourquoi quand elle reprit la parole et j’esquissais un sourire empli d’une douceur amère.

« Je ne viens pas réellement de ces lieux, d’où mon vocabulaire… peut être étrange. »

Ni de ces lieux, ni de ces temps. Même si je parlais couramment le français, le russe et l’américain en mon temps, j’avais compris que le langage avait évolué. Pour la plupart, j’avais réussi à me remettre à niveau mais certaines habitudes avaient la vie dure. Et je ne comprenais pas toujours le vocabulaire utilisé de nos jours. Mon temps me manquait, mais il me manquait bien moins que mes enfants ou ma compagne. Je secouais la tête pour me sortir de ses pensées, sentant que ma gorge s’espraignait (= se serrait) en une émotion maintenant familière. Je me raclais donc la gorge et hochais la tête à l’acceptation de la jeune humaine. Laissant planer une main dans le dos de la demoiselle sans la toucher, je la conduisis loin de cette ruelle, jetant un dernier regard pour m’assurer que le vampire ne se trouvait pas dans les parages, prêt à s’essaillir (=s’élancer) sur nous. Nous avancions jusqu’à un petit café et en chemin, mademoiselle Théa me remercia, me mettant de nouveau mal à l’aise en folâtrant avant la limite de la vérité surnaturelle.

« Ne me remerciez pas, je n’ai rien fais de particulier. Je ne suis d’ailleurs pas certain de vous avoir réellement été d’une grande aide mais je me devais d’agir. »

Est-ce que ce vampire lui aurait réellement fait du mal ? Je n’en savais rien mais je n’avais pas voulu prendre le risque. Nous nous retrouvons assis sur la terrasse d’un café où nous pûmes commander un café pour moi et un chocolat chaud pour mademoiselle Théa. Je laissais un silence reposant s’installer entre nous deux, guettant un signe de l’état de choc chez la jeune demoiselle. Avec mon passif à la guerre, je savais reconnaître les symptômes mais on aurait dit que cette demoiselle allait de mieux en mieux sans passer par l’habituelle baisse de tension. Peut-être à cause de l’hypnose ? Car personne n’échappait normalement à ses symptômes. Avec sollicitude, je me permis de reprendre la parole une fois que nous fûmes servis et que nous pûmes boire chacun une gorgée de notre breuvage.

« Vous sentez-vous bien, miss Théa ? »

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A ma souvenance (= dans mon souvenir), la plupart des damoiseaux étaient protégées lorsqu’elles sortaient en visite mais il semblerait que ce siècle ne fonctionne pas de la même façon quand bien même cela sembla tout aussi nécessaire qu’en mon temps. Je pus empêcher de peu à mademoiselle Théa d’être blesmi (=blessé) par un vampire mais je ne savais point quelle explication lui fournir quand il m’apparaissait qu’elle était encore ignorante de la nature de son agresseur. Sa réponse provoqua à un léger sourire contrit d’étirer mes lèvres. J’aurais aimé ne pas lui mentir mais je sentais que ce n’était pas mon devoir de lui fournir des explications, simplement un avoement (=une protection).

Quand mademoiselle Théa me fit remarquer mon accent et mon choix de vocabulaire, je lui répondis par une semi vérité. Je ne venais pas de ces lieux, ce que je ne précisais pas, c’est que je ne venais pas de ce temps non plus. Tout comme je ne lui avouais pas que pour moi, c’était les actes, us et coutumes, ainsi que les mots de ce siècle qui me paraissaient étranges. La question de mademoiselle Théa me sortit de mes pensées et me fit sourire doucement. La réponse serait à la fois simple et hors de propos en même temps.

« J’en ai fais parti effectivement, par naissance et par droit d’epouserie (=mariage), mais cela est derrière moi maintenant. »

Après tout, j’avais perdu mon statut de noble quand le temps me l’avait volé, ainsi qu’au moment où ma femme avait péri, ce qui datait déjà de quelques temps, bien que pour moi cela semblait encore être hier. Avec un soupir, je me sortis de ses funestes pensées et j’accordais un sourire à mademoiselle Théa. Ce n’était guère de son fait, ni de sa faute si cela me ramenait à des souvenirs espraignant (=qui serrait) mon cœur. Je finis par lui signifier qu’il n’y avait guère besoin de me remercier et elle finit par insister. Je secouais la tête, la remerciant d’un sourire mais je continuais à me sentir mal à mon aise d’avoir ses remerciements quand je lui cachais des renseignements. Alors je finis par changer notre discussion pour lui proposer de quitter cette ruelle, recevant son assentiment.

Guettant un signe de malaise, je finis par lui demander si cela allait pour elle. Aussitôt que cette question fut posé, je pus voir sur la jeune femme un léger frisson la parcourir, réveillant en moi un sombre auspice (= présage), surtout face aux propos qu’elle me tenait. Etait-ce réellement une coïncidence ? Je la laissais la jeune femme s’exprimer et finalement, j’eus le fin mot de l’histoire. Oui, ce n’était pas la première fois que cette jeune femme était confrontée à un vampire, j’espérais pour autant que cela ne deviendrait pas une esprinsure (= habitude).

« Peut-être… »

J’hésitais pendant un instant à lui avouer la vérité, elle ne manquait pas de courage et je pense qu’elle aurait su l’affronter mais je ne pouvais lui accorder mon avoement (= ma protection) et elle ne méritait pas d’être ainsi essailli (= élancé) dans le surnaturel. Alors je ne dis rien mais sa question suivante me pris par surprise et me fit revoir mon avis sur la question. Est-ce que le choc survenait maintenant ?

« Je vous l’ai pourtant énoncé il y a une dizaine de minutes. Je me prénomme Rydian de Bavière. Êtes-vous certain d’aller bien ? Si vous ne voulez pas en parler, je ne vous forcerais pas mais je m’inquiète pour vous. »

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